Alors qu’approchent les présidentielles, ce n’est certainement pas perdre son temps que de prendre connaissance des idées qui animent l’un de nos plus ardents détracteurs : EELV. Pour ce faire, même si c’est assez fastidieux à lire, il suffit d’examiner les dizaines de pages publiées sur le site d’EELV sous le titre ‘‘Le projet Bien Vivre’’, lequel développe, en six grandes parties, les principaux chantiers politiques envisagés par le parti. Il va de soi que nous ne pouvons ici traiter de l’ensemble dudit projet, qui veut orienter le citoyen, est-il écrit, « vers d’autres modalités du vivre-ensemble, vers un nouvel art de vivre » au sein duquel nous « réapprendrions la nature » et « réinventerions une société bienveillante ». Nous nous permettons d’y renvoyer le lecteur : il aura sans doute plaisir à se familiariser avec l’écriture inclusive qui y est appliquée – et qui est, en elle-même, un indice quant aux voies idéologiques empruntées par EELV.
Néanmoins, ce qui nous intéresse spécifiquement dans ce document, c’est le deuxième point de la deuxième grande partie, point intitulé ‘‘Respecter l’animal’’. « Il est nécessaire de transformer le rapport humain/animal en une coopération [sic !] respectueuse de chacun », lit-on notamment. Sur la base de ce principe, et face à « l’urgence climatique et environnementale », un certain nombre de propositions sont avancées, dont, dès le début, celle « d’engager le pays dans la transition alimentaire vers une consommation majoritairement végétale […]. Si le végétarisme relève d’une décision personnelle, permettre une consommation non quotidienne de produits animaux doit être un choix de société ». La phrase est pour le moins alambiquée, sinon prudente ; pourtant, nous en devinons aisément le sens profond : le végétarisme doit devenir la règle – vous n’y échapperez pas. Mais cela n’est qu’un avant-goût. Qu’on en juge à l’aune du florilège suivant.
En effet, « les écologistes proposent » entre autres : « de créer un secrétariat d’État à la condition animale. Son rôle sera de mettre en place une politique intersectorielle afin de faire disparaître les pratiques violentes et cruelles à l’égard des animaux » ; « de créer une brigade nationale pour la protection animale » ; « de créer un comité d’éthique national sur la condition animale » ; « de constituer un code animal [pour] regrouper dans un même corpus juridique l’ensemble de la réglementation applicable aux animaux » ; « d’interdire les spectacles avec des animaux sauvages […] et toute détention ne respectant pas leur condition de vie naturelle » ; « de renforcer la lutte contre les abandons des animaux de compagnie en améliorant les contrôles de l’identification de ces animaux et en développant des incitations à la stérilisation des chiens et des chats, avant d’appliquer, dans un délai de 3 à 5 ans, une taxe aux détenteurs d’animaux non stérilisés » (faut-il comprendre que le projet ‘‘Bien Vivre’’ préconise de stériliser tous les chiens ? Pourquoi, sinon, l’idée de cette « taxe » ? L’antispécisme, qui milite contre la domination incarnée par l’animal domestique, aurait-il à ce point noyauté EELV ?), etc., etc.
Nous stoppons là cette liste de brillantes idées (qui touchent également l’élevage industriel, les abattoirs, l’expérimentation sur les animaux…), sans omettre toutefois de mentionner les propositions qui visent ouvertement la cynégétique, à savoir : « éduquer dès l’enfance au respect des animaux dans les écoles primaires, puis […] poursuivre à tous les niveaux scolaires et […] ne pas confier d’interventions en milieu scolaire aux associations de chasse » (voilà qui a le mérite de la clarté) ; « faire évoluer notre rapport à la faune sauvage afin de mettre un terme aux usages fondés sur la violence. Cela passe par un encadrement strict de la chasse et l’abolition des pratiques les plus cruelles (déterrage, piégeage), ainsi que le développement d’espaces apaisés permettant de tester de nouveaux rapports avec la faune sauvage » (qu’entend-on par « encadrement strict » ? La chasse serait-elle oubliée par le législateur ?) ; « instaurer le dimanche sans chasse » (vieille marotte des anti, dénuée de fondement sérieux et uniquement destinée à briser la transmission) ; « faire respecter les directives européennes sur la biodiversité et […] faire cesser tout acte de chasse sur les animaux protégés » (ou de l’opportunité de s’appuyer sur le droit européen pour détruire toute chasse ; par ailleurs, tuer un « animal protégé », cela ne s’appelle-t-il pas… braconner ?) ; et, enfin, le clou du spectacle, « étendre le statut juridique de l’animal à la faune sauvage » – ce qui signerait immédiatement et sans recours l’interdiction totale de la cynégétique et de la pêche de loisir.
Au terme de ce bref tour d’horizon, force est d’admettre qu’EELV maîtrise l’art de ficeler les projets ‘‘prêts-à-porter’’ : eu égard à la chasse, si elles étaient mises à œuvre, ces propositions ne nous laisseraient pas la moindre porte de sortie. Cependant, ce qui nous apparaît le plus important, et qui justifie la teneur de ce billet, c’est de souligner qu’un tel projet s’inscrit lui-même dans une vision de bien plus grande ampleur, qui prétend frapper, avec tout autant de radicalité, l’ensemble des éléments constitutifs de nos modes de vie : rapport à la nature et à l’animal, certes, mais aussi structures économiques et politiques, éducation, culture, forme et usage de notre langue elle-même… Et peut-être est-ce là la carte qu’il nous faut jouer : montrer infatigablement à tous que, derrière les cibles ‘‘faciles’’ que nous sommes, d’autres cibles seront prises à partie, si elles ne le sont déjà, par cette espèce de révolution dont ‘‘Bien Vivre’’ et par conséquent EELV sont porteurs. A défaut, la chasse demeurerait un ‘‘problème’’ mineur, et finirait sans doute par être traitée comme telle…