C’est presque une loi d’airain : la chasse a ce don proprement hors du commun d’envoûter ses heureuses et consentantes victimes par le cœur, les sens et les instincts, que ni l’âge, ni les buissons creux ne peuvent entamer. Cette qualité de victime consentante, notre ami Jean-Noël Cardoux l’endosse à merveille, lui qui arpente bois, plaines et marais depuis plus de 50 ans, lui qui préside aux destinées du groupe Chasse au Sénat, défendant avec constance et intelligence notre passion en ces temps si troublés, lui qui prolonge ses joies cynégétiques en nous livrant des récits toujours de solides factures. Nous avions apprécié il y a deux ans Au Rythme des marées (récompensé par le prix littéraire Jours de Chasse). Entre Loire et Sologne, sa dernière livraison, est de la même veine, rehaussée – et de quelle manière ! – par le trait plein de poésie d’Arnaud Fréminet. À mille coudées du fashionable brocardé par, entres autres, Elzéar Blaze, Jean-Noël Cardoux jette un regard nostalgique, dans un style toujours enlevé, sur ‘‘ses’’ lieux où il a tant traîné ses guêtres. On y côtoie des canards (pour lesquels il voue une grande passion), des bécasses, des chiens (en particulier un labrador retrouvé grâce à un pendule !), des personnages retors, une femme passionnée (la sienne !) qui fait une passée avec un pied dans le plâtre… C’est encore une plongée dans l’histoire, avec la propriété de Béthune-Sully… Il fait quelques infidélités à ces deux régions pour nous emmener à Cuba et une levée d’étang pour le moins particulière, une escapade au Rwanda. On parle encore de trompes, de vénerie… Que Jean-Noël Cardoux soit nostalgique de cette époque bénie de la chasse, c’est un fait, mais il est à cent lieues de nous livrer un fatalisme de mauvais aloi, fustigeant la bien-pensance actuelle, montrant sans relâche que « la chasse est bien autre chose qu’une course au tableau ou au trophée » et qu’elle ne pourra perdurer que si elle est pratiquée avec passion et sagesse.  

Éditions de la Croix du Loup, 158 pages, 39 €.