C’est un fait acquis, presque une loi d’airain : la bécasse n’est pas près de tarir la littérature cynégétique. Plus d’un siècle après leurs livres dédiés à cet oiseau, Tristan Audebert et Paul Reveilhac peuvent être fiers d’une descendance abondante et vigoureuse. Témoin, l’ouvrage de notre ami Alain Philippe, tout à la fois solide tireur, chasseur passionné et chroniqueur cynégétique averti. En amoureux transi (le mot n’est pas trop fort !), à la limite de l’ensorcellement, il nous livre ses saisons bécassières, de la Bretagne à la Sologne, en passant, entre autres, par le plateau des Millevaches et le pays d’Auge (à cet égard, on regrettera certaines répétitions mots pour mots d’un chapitre à l’autre). Cependant, l’essentiel, ou tout du moins le plus passionnant, ne se trouve peut-être pas du côté de notre chère migratrice – dont on sait bien qu’elle ne livrera jamais tous ses mystères –, mais des chiens, car pour notre auteur, on ne peut et on ne doit chasser ce gibier qu’avec un chien d’arrêt. C’est le fil d’Ariane de l’ouvrage, illustré, avec le talent qu’on leur connaît, par Lamotte et Patrice Bac. Sans conteste, Alain Philippe a fait siens les propos de Paul Vialar : « Chasser sans chien, peut-on appeler cela de la chasse ? » Entre Noé, Noisette, Cerise, Jacka…, il nous fait partager les joies, les peines, les drames de ces compagnons sans lesquels la chasse à la bécasse perdrait toute sa saveur. Il nous fait pointer du doigt la quintessence du chien d’arrêt, celle qui concentre les joies les plus pures, les plus totales, celle d’une entente absolue et d’un travail parfaitement exécuté. Ce pourrait être, s’il en fallait une, la justification de ce livre.
Versicolor Éditions, 302 pages, 25 €.