Au sujet de ce que l’on nomme désormais l’affaire Élisa Pilarski, bien des leçons méritent encore d’être tirées. La dernière en date est liée aux déclarations d’une certaine Marjorie Tortosa (photo), laquelle avait, à partir de décembre 2019, lancé une cagnotte sur la plateforme en ligne de dons Leetchi, afin d’« aider Curtis, lui payer un avocat et lui trouver une structure d’accueil », selon ses propres mots (Oise Hebdo, 5 avril 2021). Elle-même détentrice de chiens molossoïdes – deux american staffs –, elle avait, en découvrant l’affaire, pris fait et cause pour ledit Curtis, et s’était aussi prise de « pitié » pour Christophe Ellul, dont beaucoup de médias, notamment télévisuels, relayaient alors le discours et les épanchements.
Avec une certaine naïveté, Marjorie Tortosa, bénévole à la SPA, avait donc mis en place la fameuse cagnotte, qui rassembla plus de 6800 euros. Néanmoins, entre temps, elle en vint à nourrir de plus en plus de doutes à l’égard d’Ellul, de ses allégations, de son comportement. Sans entrer dans les détails, elle apprit, dit-elle, que l’identification du chien en France n’avait pas été effectuée, que la somme collectée avait disparu, qu’Ellul aurait eu l’intention de faire euthanasier son chien, etc. « Il s’est très clairement servi de moi en ne me donnant que le minimum d’infos, déclare-t-elle, en mentant, puis en me harcelant quand il n’a pas pu avoir l’argent immédiatement. Ensuite, il s’est montré menaçant. » Rappelons que, le 4 mars, Christophe Ellul a été mis en examen pour homicide involontaire dans le cadre de cette affaire.
En tout état de cause, Marjorie Tortosa, qui a effectivement été bernée – comme tant d’autres – mais qui a tout de même le mérite de le reconnaître – à l’inverse de tant d’autres –, tient à présenter ses excuses auprès des donateurs, les encourageant même à porter plainte et à réclamer un remboursement. Elle souhaite également, précise-t-elle, « lorsque tout sera fini », « rendre un hommage digne à Élisa, à son bébé, à sa famille. Comme nous avions voulu le faire avec une grande marche blanche, à l’époque, dans toute la France. » Cependant, élément important, a-t-elle encore des doutes, aujourd’hui, quant à la ‘‘culpabilité’’ de Curtis ? Réponse : « Pour Curtis, j’avoue que j’ai longtemps eu envie de croire qu’il était innocent. Peut-être parce qu’en tant que protectrice des animaux, et opposante à la chasse, ça correspondait à mes convictions. Mais il y a de plus en plus de preuves. Donc, non, je n’ai plus aucun doute. »
Questions : les antichasse ne seraient-ils pas bien inspirés de méditer les motifs profonds qui, de son propre aveu, ont conduit Marjorie Tortosa à se tromper si lourdement sur le rôle de Christophe Ellul, sur celui de Curtis, mais aussi – et l’on aurait apprécié un mot de sa part à leur sujet – sur celui des chiens de vénerie et de l’équipage, injustement incriminés ? Plus généralement, n’est-il pas dangereux de soumettre l’établissement de la preuve à l’a priori de l’indignation, le travail de vérité au préjugé, la raison elle-même au soupçon inspiré par l’émotion pure ? N’est-ce pas là, précisément, ce qu’on nomme aveuglement volontaire ?