Enfin ! Après près d’un an d’enquête, les rapports d’expertise vétérinaire et les tests ADN ne laissent plus l’ombre d’un doute : comme nous vous l’avions annoncé dans notre numéro de juin (Jours de Chasse n°80), c’est bel et bien le pitbull Curtis qui a attaqué et tué Elisa Pilarski, enceinte de six mois. Curtis était le chien de son compagnon Christophe Ellul. Voilà qui met un terme à cette affaire glaçante qui a agité les réseaux sociaux de la manière la plus irresponsable qui soit, affaire au sein de laquelle la vénerie a été vouée aux gémonies.

Souvenons-nous. Le 16 novembre 2019, Elisa Pilarski est retrouvée déchiquetée par un ou des chiens en forêt de Retz, dans le département de l’Aisne, alors même qu’elle promenait le chien de son compagnon, le fameux Curtis. Sans une once de preuve, bille en tête, les réseaux sociaux et de nombreux médias avaient accusé la meute de l’équipage Le Rallye La Passion, qui découplait ce jour-là dans ce massif. La Société de vénerie a eu beau expliquer que les chiens de vénerie n’attaquent jamais les hommes, et qu’aucun des chiens n’était revenu ensanglanté, rien n’y fit : ces chiens-là étaient des assassins, forcément.

Dans les faits, une piste intéresse les enquêteurs, bien plus plausible et glaçante, celle qui conduit à Curtis, à son propriétaire Christophe Ellul et aux zones d’ombre des déclarations de ce dernier. Dans un premier temps, il avait déclaré que Curtis était un croisement de lévrier whippet et Patterdale terrier. Il s’est avéré être un… pitbull, qui, rappelons-le, désigne, non une race, mais une fonction, celle d’un chien de combat. Or, posséder en France un tel chien est sévèrement encadré depuis 1999. Il faut qu’il ait des papiers en règle, qu’il ait subi une évaluation de comportement et que son maître se soit soumis à une formation. Si toutes ces conditions sont remplies, un permis de détention sera délivré (en outre, s’il s’agit d’un mâle, l’animal devra être castré).

Là encore, il est aujourd’hui prouvé que le fameux Curtis est entré illégalement en France, en provenance d’un élevage hollandais (dont le site Internet a curieusement disparu depuis le début de l’affaire), et qu’il n’était pas castré. En outre, il y a fort à parier que Curtis a été choisi pour son ‘‘mordant’’, c’est-à-dire son agressivité hors du commun. D’ailleurs, son propriétaire aurait ‘‘travaillé’’ son mordant et aurait participé à des concours de pitbulls et des ‘‘démonstrations’’ en Belgique (épreuves qui consistent à mettre face à face deux chiens tenus en laisse pour juger de leur agressivité). Au reste, note l’expertise vétérinaire, Curtis « n’est pas un chien méchant et agressif, mais que c’est un chien formaté et dangereux ». Bref, le pitbull est formaté à détruire.

Que s’est-il passé le 16 novembre ? On sait qu’Elisa Pilarski a passé un appel à son compagnon à 13 h 19. Celui-ci affirme qu’elle lui aurait dit avoir croisé des chiens qui l’inquiétaient. N’est-ce pas plutôt Curtis le chien en question (il l’avait d’ailleurs déjà mordue, et cela était passé pour une morsure de chat) ? D’ailleurs, lorsque Curtis sera récupéré, il sera très agressif, à tel enseigne qu’il est toujours installé dans un chenil spécial à Beauvais muni de gros barreaux. Reconstituons donc l’affaire : excité, Curtis a selon toute vraisemblance réussi à arracher sa muselière (ce qui explique les cicatrices qu’il avait sur le crâne), puis il aurait attaqué Elisa Pilarski, qui tentait de rejoindre sa voiture. Las. Elle n’en a pas eu le temps… Ce qui explique que les enquêteurs aient retrouvé la muselière et le portable (sur lequel on a retrouvé du sang) assez loin du corps de la jeune femme. En outre, le coup de téléphone de plus de deux minutes s’expliquerait par le fait qu’elle a été obligée de le lâcher lorsque Curtis l’a attaquée. Nous sommes loin, très loin de la chasse à courre…

Le scénario est confirmé par le rapport d’expertise vétérinaire rendu public la semaine dernière : les morsures constatées sur le corps d’Elisa Pilarski concordent en tous points avec la taille des dents et de la mâchoire de Curtis, et non avec celle des 62 chiens de la meute du Rallye La Passion. En outre, en début de semaine, les conclusions des tests ADN prélevés sur tous les chiens sont là encore sans appel : les résultats montrent que l’ADN d’Elisa n’a été trouvé que sur un seul chien, Curtis, et que seul l’ADN de Curtis a été trouvé sur Elisa (notamment sous les ongles). On attend que les associations antichasse qui s’étaient déchaînées contre la vénerie fassent leur mea culpa