‘‘Pour ou contre la chasse à courre, une bataille menée à cor et à cri’’ : tel est le titre d’un reportage paru le 29 janvier dernier dans M, le magazine du Monde. « Menacée par une proposition de loi sur le point d’être déposée, lit-on, la vénerie est la cible, ces dernières années, de militants animalistes déterminés à dénoncer sa cruauté à coups de vidéos chocs. Pour autant, elle n’a jamais enregistré autant d’adeptes qu’aujourd’hui ». À plusieurs égards,
l’enquête signée Sevin Rey-Sahin donne le sentiment d’un certain équilibre dans la description des arguments invoqués par les parties adverses. Veneurs et suiveurs y sont amplement interrogés ; non moins que leurs opposants. Peu, voire pas de jugements personnels palpables – les faits, rien que les faits. Sauf que la ‘‘vérité’’ d’un fait dépend aussi des précisions dont
on choisit – ou non – d’entourer sa mention. Exemples : « Cette chasse traditionnelle […] n’existe presque plus au-delà de nos frontières » ; c’est fort discutable, mais, surtout, quel autre pays que la France l’inscrivit à un tel degré au cœur de son histoire ? « C’est une drôle d’époque pour la vénerie française, qui existe depuis François Ier » : non, elle fut enrichie sous les Valois, et codifiée sous les Bourbons ; elle « existait » en somme bien avant. Certes, cette pratique use d’expressions très spécifiques, et qui ont du reste fécondé considérablement notre langue, mais pourquoi parler de « vocabulaire ésotérique » – comme s’il s’agissait là d’une secte dissimulant, sous des mots, des rituels en soi condamnables ? Oui – puisque des chiffres sont donnés –, cette passion peut s’avérer onéreuse ; cependant, d’autres ne le sont-elles pas, et bien davantage ?

Certes, « le Hunting Act est appliqué » outre-Manche depuis 2005 et son adoption sous le gouvernement de Tony Blair, mais pourquoi n’avoir pas précisé que ce même Tony Blair l’avait, ensuite, regretté ?… Quelques imprécisions ou ‘‘omissions’’ parmi bien d’autres, et qui suggèrent en creux qu’entre anti et pro, c’est un peu David contre Goliath – notamment sur les plans financier et politique. Car peut-être eût-il été intéressant, en effet, d’enquêter à la fois sur la sensibilité idéologique des leaders d’AVA, la légalité de leurs méthodes (« Je fais tout ce qui est légal pour les empêcher de tuer un cerf », peut se contenter de dire, sans plus de détails, Stanislas Broniszewski), mais aussi sur le financement de leurs actions : il est certes dit que « le milliardaire américain George Soros ou Xavier Niel, le fondateur de Free (par ailleurs actionnaire à titre personnel du Groupe Le Monde) », sont « suspectés » « d’être derrière ces fonds » ; mais suspectés… par qui ? Par des « veneurs en forêt d’Orléans », pardi !