Sans conteste, c’est un livre déroutant, déconcertant que nous ont livré ici nos amis Philippe d’Ornano et Hubert Lebaudy, avec ses clichés en noir et blanc, faits de subtils détails et de grandes perspectives, rehaussés de courts textes. En fait de textes, il s’agit davantage d’hymnes à la nature, dans sa beauté et sa brutalité, avec, en fond de décor, la chasse et le sanglier, des sensations et des émotions. Les auteurs nous emmènent dans les tourments de chaque saison, toujours immuable, toujours renouvelée, dont les chasseurs savent apprécier toutes les nuances, faites de lumières, d’odeurs… Au fil des pages, c’est une atmosphère qui se dégage, celle des chaudes soirées d’été, où les animaux et les hommes paraissent écrasés, étouffés par la chaleur, où « seuls les insectes fêtent ce grand bûcher », celle des premières chasses d’automne (« bientôt la forêt couvrira le sol de nuances et de sortilèges »), celle où l’on n’a jamais oublié que la passion cynégétique rejoint la loi naturelle, celle de la vie et de la mort, celle où une compagnie de sangliers jaillit, celle de l’hiver rude, sans concessions (« chaque pas les détourne de l’autre vie, celle des artifices et des jeux, des masques et des danses »). Ils nous font partager les affres du nemrod sur des choix de munitions, sur ces journées où l’animal joue sa partie et gagne, quelquefois perd… Tout semble s’arrêter avec l’arrivée du printemps (« la forêt change mais ne vieillit pas »). Trajectoires inverses nous rappelle simplement que le souvenir à la chasse compte autant que la prochaine journée, et que le cynégète cherche un face-à-face avec cette nature sans fard, car « la liberté est là, dehors ».
La Croix du Loup, 80 pages, 47 €.