La présence d’Hugo Clément au ‘‘Grand débat des valeurs’’ – organisé par Valeurs Actuelles – le 13 avril dernier, à Paris, a fait couler beaucoup d’encre. Convié pour débattre face au député européen et président du RN Jordan Bardella, le journaliste a, avec talent, exposé ses vues sur ‘‘l’urgence climatique’’ et le ‘‘bien-être animal’’.

Sans entrer dans le détail, relevons que certains responsables politiques n’ont guère goûté que Clément y participe : « Merci mais non merci pour cette dépolitisation dangereuse de l’écologie et du travail de conviction vers l’électorat populaire », a déclaré Nadège Abomangoli, députée LFI, qualifiant la démarche du militant d’« éco fascisme » ; pour Aurélien Taché, député écologiste du Val-d’Oise, notre homme devenait ainsi « la caution écologiste de l’extrême droite », tandis que Sandrine Rousseau, députée Écologiste- Nupes, affirmait – sans alors désigner expressément Clément – que l’écologie n’était pas compatible « avec un projet raciste et national »… Suggérons à cette dernière de lire le remarquable ouvrage de Philippe Simonnot – Le brun et le vert, éditions du Cerf –, qui examine justement cette présumée ‘‘incompatibilité’’ d’un point de vue historique (voir Jours de Chasse n°91), et rappelons que, parmi les invités de cette soirée, l’on trouvait également François-Xavier Bellamy, Manuel Walls, Mathieu Bock-Côté ou Christine Kelly.

Face, donc, aux cerbères de la sainte doctrine, Clément s’est-il pour autant laissé abattre par leurs ‘‘accusations’’ – lesquelles ont consisté, grosso modo, à lui contester le droit de s’exprimer au sein d’un… écosystème politique prétendument incapable, par essence, de penser les enjeux relatifs à l’écologie ? Certes, non ; aussi celui qui sévit sur France Télévisions et France Inter a-t-il confié au Parisien : « J’ai voulu éveiller l’intérêt au moins de quelques personnes au sein de l’électorat RN […]. Si ne serait-ce que 10, 15, 20, 30 personnes ont été […] sensibilisées à la question du changement climatique et de la biodiversité grâce à cette intervention, ça valait le coup…»

Bien sûr, des voix se sont élevées pour souligner ce que cette séquence médiatique révélait en matière de sectarisme idéologique : ostracisé pour s’être commis avec ‘‘l’ennemi’’ – et alors même qu’il venait lui apporter la contradiction ! –, le renégat abjurait ce faisant la profession de foi rarement interrogée selon laquelle le souci écologique est une prérogative exclusive de la gauche… En sorte que, pourtant légitime dans une démocratie, la volonté de Clément de rallier à ses idées un public a priori plutôt opposé a eu pour effet – paradoxal – de le transformer instantanément en traître au dogme originel. D’ailleurs, Bardella a lui-même eu ce mot : « Je pense que si l’écologie politique veut mener son combat à bien pour alerter l’opinion, il faudrait peut-être moins de Sandrine Rousseau et un peu plus d’Hugo Clément… » Moins de Rousseau, plus de Clément ? Cela mérite quelques réflexions.

Il faut, en premier lieu, se souvenir que l’ami des bêtes avait conditionné sa participation au versement, par les organisateurs, d’un don à une association de défense des animaux de leur choix – à savoir, la fondation Brigitte Bardot. Le fait n’est pas anodin, qui, d’une part, relativise la ‘‘gratuité’’ de la présence de Clément, et qui, surtout, a valeur de symbole – ladite fondation étant, notamment, très antichasse. Ensuite, ne perdons pas de vue que, sous couvert de désir de débattre, Clément demeure un militant venu là non pas seulement pour convaincre mais pour vaincre, au nom d’une idéologie qui n’a, au vrai, rien à envier au déconstructivisme et à l’écoféminisme d’une Rousseau : celle de l’antispécisme. Affirmation gratuite ? Nous pourrions, afin de l’étayer, multiplier les citations de ses ouvrages. Cependant, une simple réponse postée par l’intéressé à un internaute le 12 mai dernier sur Facebook suffit à cerner son véritable cadre idéologique.

Ce jour-là, en effet, Clément publie une photo de lui au côté de sa compagne,
Alexandra Rosenfeld, avec ces mots : « On fête : 5 ans d’amour et 6 ans de végétarisme pour moi ». Il précise ne plus manger « ni viande ni poisson depuis 2017 » et s’en porter très bien, ajoutant qu’« il est tout à fait possible de ne pas manger les animaux » afin d’aller vers « un monde plus doux ». Jusqu’ici, rien qui heurte la raison ; néanmoins, parmi les milliers de messages élogieux parus sous ce post, on trouve celui d’un internaute, favorable à Clément, mais qui l’interroge en ces termes : « Il y a longtemps que je me pose cette question : si demain nous arrêtions tous de consommer de la viande, qu’adviendrait-il des espèces concernées ? Dans un monde où
l’économie et les profits dominent, qui poursuivrait l’élevage de ces animaux pour le simple fait de maintenir ces espèces ? »
Réponse : « Les espèces n’ont pas d’intérêt propre, elles ne souffrent pas. Les individus souffrent. Quel nintérêt de s’acharner à maintenir des espèces d’élevage intensif artificiellement sélectionnées par l’humain ? […] Il ne s’agit pas d’espèces qui jouent un rôle dans un écosystème sain ».

Ce propos est tout, sauf anecdotique, car il renvoie aux fondements mêmes de l’antispécisme, pour lequel seule la souffrance individuelle compte, cette souffrance devant être éradiquée, fût-ce au détriment de l’existence d’espèces. Clément n’est donc pas un ‘‘défenseur des animaux’’ lambda,
mais le transfuge presque clandestin – comme Aymeric Caron – d’un renversement radical de notre rapport au vivant qui suppose d’en finir avec notre civilisation.

Notre inquiétude ? Qu’un nombre croissant de politiques, de droite comme de gauche, sous-estime aujourd’hui les soubassements réels d’un tel discours et, parce que le rejet de la maltraitance animale fait évidemment consensus, finisse par y être sensible sans en mesurer les conséquences. Que ce soit par naïveté ou calcul électoral, c’est, selon nous, jouer dangereusement avec le feu…