Il y a évidemment du Raboliot dans le parcours de cet homme – à cette nuance près que Dominique Lambert retrace, dans les quelque 450 pages de son livre, une histoire parfaitement authentique. Celle de Louis Rougé (né en 1817), d’extraction plus que modeste, qui, après avoir tiré sur deux gendarmes alors qu’il braconnait, une fois de plus, va entrer en cavale durant presque trois ans, au gré d’innombrables fuites, au beau milieu de ce XIXe siècle français dont le moins que l’on puisse dire est qu’il abondait en miséreux, notamment dans les campagnes. Nous sommes à Daumeray, dans le Maine-et-Loire, aux confins de la Sarthe et de la Mayenne. Le ‘‘drame’’ se déroule en juillet 1854. Louis Rougé, tisserand, journalier, analphabète, voleur à l’occasion, condamné à plusieurs reprises, malin et vif de caractère, braconnier par instinct comme par « nécessité vitale », va subir une traque qui fera de lui une espèce de légende – semblable, juste-ment, à celle de Raboliot –, mais qui, surtout, le conduira à Cayenne, où il mourra. Le récit de Dominique Lambert, passionnant, extrêmement informé, écrit avec précision et d’une plume alerte, fait aujourd’hui l’objet d’une troisième édition, augmentée de surcroît. Comme son père, l’auteur s’est épris, très jeune, de cette fascinante figure que fut Rougé, de ce symbole de rébellion contre l’ordre établi – de ce « braco » de l’ancien temps qui eut assurément un destin tragique. La peinture du contexte, notamment historique, est remarquable. À relire, ou à découvrir.
Montbel, 448 pages, 25 €.