Pourtant, tout avait si bien commencé. Céline Vogel, agricultrice et passionnée de vénerie, avait convié tous les habitants de sa commune à une fête ‘‘Chasse et campagne’’, où elle promettait bonne humeur, terroir et démonstration de chasse à courre. Et, cerise sur le gâteau, Rasta, le veau qu'elle élevait comme un animal de compagnie, serait de la fête, et défilerait au cœur de la meute.
Mais c'était sans compter sur l'OABA, l'Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs qui, alertée sur les réseaux sociaux par certains de ses membres, s'est mise à hurler au scandale. « Comment ? un veau dévoré vivant par des chiens de chasse lors d'une fête de campagne ? Mobilisons-nous pour faire cesser cette barbarie ! » Oui, il existe des gens, dans ce pays, assez déconnectés des réalités du monde, pour croire qu'il est possible d'organiser une fête populaire où l'on verrait un veau se faire courser et dévorer par une meute de chiens. Vous imaginez la scène, et la belle sortie familiale.
La suite, vous la devinez : déferlement de haine, coups de fils anonymes au milieu de la nuit, harcèlement et même… incitation au viol.
Au-delà du procès qui se tiendra bientôt, et qui jugera une femme qui a proféré des menaces de mort à l'encontre de la fille de Céline, 14 ans, c'est bien en tant que société qu'il faut s'interroger.
Les réseaux sociaux sont un outil fantastique, qui fédère, qui ouvre le champ de bien des avancées sociétales. Mais aucune médaille ne vient sans son revers. À la main d'idéologues, ces réseaux désinforment la population, incitent à la haine, et se transforment en machines de propagande.
Je suis, à vrai dire, inquiet des répercussions possibles de ces dérives sur notre mode de vie. Car leur effet tribal abolit le discernement, et plus rien d'autre ne compte que la cause, le groupe, et l'identité qui est née de cette appartenance nouvelle.
Faut-il pour autant se morfondre dans un fatalisme larmoyant ? Non, bien sûr. Car la solution, nous l'avons là, sous notre nez. Continuons à organiser, quand la situation sanitaire le permet, des manifestations où nous saurons fêter notre belle ruralité, nos traditions, nos langues régionales, pour montrer fort au monde que cette France-là existe, qu'elle est passionnée et avide de partages. Les grincheux grincheront, et à la haine, nous opposerons ce que nous sommes, en les laissant là, perdus dans leur marasme. Quoi de plus convivial qu'une ‘‘fête de campagne’’ ? Qui n'a pas envie de venir, un dimanche ensoleillé, goûter les spécialités régionales et s'abreuver de la vigne et des sourires des gens d'ici ? Céline Vogel a été victime, et avec elle toute sa famille, d'un déferlement d’insanités, juste parce qu'elle avait à cœur de faire vivre son coin de France, et d'apporter un peu de bonheur à ses habitants. Oui, c'est en tant que société qu'il y a lieu de s'interroger sur la place que prennent ceux qui attisent la haine là où il n'y a que culture, amour et rires d'enfants.