« Quand les nazis étaient écologistes » : tel est le sous-titre de l’essai de Philippe Simonnot, auteur de nombreux ouvrages sur l’économie et l’histoire, décédé en novembre dernier. Les « nazis », « écologistes » ? Si, dans les années 1990, Luc Ferry avait en France fait connaître au grand public ce pan de l’histoire des idéologies, il a paru à Simonnot opportun sinon nécessaire de combler certaines lacunes qui persistaient sur ce sujet dans notre pays, et alors même que « nombre d’excellents auteurs allemands et anglo-saxons non traduits » l’ont déjà abondamment documenté, ailleurs. Or, le résultat est édifiant car, oui, le Troisième Reich fut « champion de son époque en matière d’environnement » et, oui, il prit des mesures jusque-là inédites par leur ampleur en faveur de la protection de tous les animaux, sans distinction (« Dans le nouveau Reich, il ne devra plus y avoir de place pour la cruauté envers les bêtes », avait déclaré le végétarien Hitler). De fait, à peine le Führer accède-t-il au pouvoir, en janvier 1933, que lois et décrets se multiplient : sur l’abattage des animaux, contre la déforestation, sur la chasse, la capture des poissons, la protection des animaux pendant leur transport par chemin de fer, le ferrage des chevaux, etc., etc. Un appareil juridique extrêmement sophistiqué, et qui continuera d’être étoffé durant la guerre – afin, notamment, de marquer du sceau de l’écologie nationale-socialiste les territoires annexés ou conquis… Avec précision et érudition, Simonnot montre en quoi le ‘‘souci vert’’ nazi fut bien plus qu’un vulgaire objet de propagande : glorifier la Nature, la terre et l’animal, c’était glorifier « l’essence germanique » contre tout ce qui pouvait représenter une menace à l’égard de son intégrité ou entraver son affirmation historique – christianisme, judaïsme, capitalisme, etc. Sont ainsi convoquées dans ces pages les figures d’incontournables dignitaires, idéologues ou ‘‘scientifiques’’ – Haeckel, « l’inventeur de l’écologie », Schoenichen, « l’inspirateur du nazisme vert », mais aussi Darré, grand promoteur de la doctrine du sang et du sol, Rosenberg, Goering, etc. – lesquels, avec l’assentiment de Hitler, ont pensé et/ou mis en oeuvre très concrètement les principes authentiquement écologiques d’une idéologie essentiellement raciste. Si l’auteur de ce remarquable essai ne cède jamais à la tentation de réduire nos ‘‘Verts’’ et autres ‘‘amis des bêtes’’ contemporains à leurs ‘‘devanciers bruns’’, il écrit pourtant, à la toute fin : « Il y aurait aussi à réfléchir sur des traces clandestines de national socialisme dans l’animalisme, l’antispécisme, le culte de ‘‘Gaïa’’, le nouveau paganisme, l’antilibéralisme en vogue aujourd’hui dans beaucoup de cercles écologistes. Ce sera l’objet d’une prochaine enquête ». Las…
Le Cerf, 232 pages, 19 €.