S’il est un sujet qui continue d’entretenir mystères et phantasmes, c’est bien la bête du Gévaudan, qui tua, entre 1764 et 1767, dans le massif Central, au minimum 121 personnes. Quelle était cette bête qui causa ces ravages ? Était-ce un loup ou autre chose ? L’historien Jean-Marc Moriceau, spécialiste de l’histoire rurale, s’était attelé à cette affaire passionnelle en 2008 (chez Larousse), et cette seconde édition ressort fort à propos au moment où les loups sont plus que jamais sur le devant de l’actualité. Il nous retrace l’histoire des drames, avec ténacité et précision, avec chiffres et témoignages, même si, parfois, la profusion des informations peut nuire à la lecture. Pour lui, cela ne fait aucun doute : ce sont un ou des loups. D’ailleurs, écrit-il, « est-ce si important » ? Ne lui déplaise, c’est bel et bien là le cœur du sujet. Aussi curieux que cela puisse paraître, Jean-Marc Moriceau balaie d’un trait de plume le fait que les témoignages sont unanimes à dire que la Bête n’était pas un loup, mais qu’elle y ressemblait… Que fait-il du fait que la Bête n’avait pas peur de l’homme alors que les loups, sauf enragés, en ont une peur atavique ? Que fait-il des mises en scène où des victimes ont été décapitées (alors que le loup ne décapite jamais), quand d’autres furent dévêtues ? Que fait-il de la thèse passionnante et probante d’une intervention humaine, soutenue par Michel Louis (L’Innocence des loups, Perrin) ? Que fait-il du fait qu’Antoine Chastel tua la Bête avec une facilité déconcertante, et qu’après il n’y eut plus aucune attaque ? Jean-Marc Moriceau n’y répond que succinctement, voire pas du tout ou d’une manière lapidaire. Qu’il ne partage pas telle ou telle thèse, c’est le droit de tout historien, à condition qu’il le démontre. Or, sa grille de lecture ne convainc pas, n’évitant pas les écueils du parti-pris, semblant avoir tracé des lignes de partage au préalable. C’est regrettable, d’autant plus au regard du travail de Romain qu’il a consacré au sujet.
Texto, 480 pages, 11,50 €.