Disparu voilà quinze ans, Marc Péchenart (1927-2008) reste un monument de la grande chasse, un monument empreint de légendes et de mystères tant il est vrai qu’il n’avait rien laissé comme écrits et que personne ne s’était penché sur ce broussard, surnommé par les pisteurs du pays Zandé (peuple d’Afrique centrale) Kota Gombé, le grand fusil. Le voile est en partie levé, grâce au travail de son frère Xavier et au manuscrit qu’il lui avait laissé, texte non terminé et réécrit par son ami Joseph Poth. « Le livre est incomplet », reconnaît Xavier Péchenart dans la préface, laissant une impression de décousu, voire d’inachevé. On n’apprend, en effet, que peu de choses sur la vie de Marc, pourtant, à bien des égards, hors du commun (rappelons à nos lecteurs qu’il fera partie du 11e choc, qu’il aura une grande carrière d’industriel dans le traitement de la graisse animale), ce qui peut, parfois, nous faire perdre la trame de son histoire… Puis il y aura la grande chasse, en particulier celle de l’éléphant, à laquelle il voua une passion presque sans limites, surtout en RCA (où il avait, dit-on, une concession de… 700 000 hectares, soit l’équivalent d’un département français !). L’éléphant et l’Afrique, ce sont les fils rouges de ce livre passionnant, malgré les bémols indiqués, dans l’humidité étouffante, sous un soleil de plomb ou sous la pluie torrentielle… Kota Gombé, fort d’une inégalable expérience, chassait, approchait à la fin seul les éléphants, ne choisissant que les animaux exceptionnels (à une époque où l’Afrique n’était pas encore ravagé par le braconnage industriel). D’ailleurs, l’âge venant, Marc Péchenart, qui fascine par sa connaissance intime des pachydermes, n’en tirera plus un après 1978… Côte d’Ivoire, Sénégal, RCA…, nous pouvons comprendre que cette chasse soit la « plus exaltante, la plus périlleuse et la plus phénoménale qui soit », surtout en forêt humide, où la mort est partout, avec des pisteurs exceptionnels, des rencontres extraordinaires, des approches éreintantes, des braconniers « dangereux et malfaisants », des charges terribles, de ces instants de vérité « où la vie se joue à quelques secondes près… et la même bouffée de spleen après le tir ». « L’Afrique n’aime pas les dilettantes, les négligents, les prétentieux… », disait-il. Il y revenait chaque saison avec la même passion. En refermant ce livre, on reste frustré de ne pas en savoir plus. De là où il est, Marc Péchenart doit être d’une tristesse infinie, avec ses chers éléphants martyrisés par le grand braconnage.