Initiateur – parmi d’autres – du fameux RIP, militant habillé en journaliste ‘‘sérieux’’ mais aussi ennemi juré du Malin sous toutes ses formes, Hugo Clément doit vraisemblablement jubiler depuis une quinzaine de jours. Au vrai, comment lui donner tort ? Insulter et menacer les représentants du camp du Bien, a fortiori de façon publique, c’est toujours s’exposer à être vu, par l’opinion, comme un méchant. Et si ledit représentant de la très noble cause du Bien en vient à porter plainte, alors, là, on a tout gagné : on est parvenu à attirer sur soi la haine de la bien-pensance – haine dont chacun sait qu’elle peut s’exercer sans trop d’obstacles sur les réseaux sociaux ou ailleurs – et l’on a, de plus, réussi le tour de force de desservir… sa propre cause.
Que le lecteur veuille bien pardonner ce petit préambule, qui énonce l’amère leçon d’une histoire dont il ne connaît peut-être pas le déroulement. Les faits ? Ils sont aussi banaux et originaux – une fois de plus ! – qu’une dispute de gamins mal élevés dans une salle de classe. En effet, comme il l’a déclaré dans un post publié notamment sur Facebook, Hugo Clément a, le 14 août dernier, « déposé plainte […] contre un responsable de la FDSEA de Haute-Garonne, le syndicat qui défend l’élevage intensif. Ce monsieur, Amaury de Faletans, qui se décrit également comme ‘‘chasseur’’, a commenté sur Twitter l’une de mes photos de randonnée au Pays Basque en appelant ses amis à ‘‘me coincer pour discuter et plus si affinités’’. Puis, il s’est montré très clair en écrivant : ‘‘Faut monter un commando pur Euskara (basque) pour le faire couiner ce con !!!’’ » Un dépôt de plainte auquel, selon La Dépêche, l’intéressé a réagi en arguant de sa méconnaissance en matière informatique : « Je ne suis pas au fait de toutes les technologies. Ces messages, je pensais les envoyer à un ami en privé. On parle comme ça chez nous. Ça ne devait pas se retrouver sur le Twitter public… » – et en précisant « qu’il n'y avait pas de volonté [de sa part] d'être méchant ou menaçant », que ce « sera[it] à la justice de décider » et qu’il se « plierai[t] » à son verdict.
On devine l’embarras de l’agriculteur et chasseur. Soit. Mais ce qui nous intéresse dans cette affaire de cour d’école pour adultes, c’est l’intelligence et l’opportunisme avec lesquels Hugo Clément a saisi l’occasion de se payer une personne qui incarne tout ce qu’il déteste. Drapé dans son ‘‘bon droit’’ et jouant – avec un talent certain – les vierges effarouchées, il ajoute dans le même post Facebook : « Pour écrire ces menaces avec un compte à son nom sur les réseaux sociaux, il faut vraiment avoir un sentiment d’impunité totale. Impossible de laisser passer. Aucune menace contre mes équipes, ma famille ou moi ne nous empêchera de continuer notre travail d’information. » Et de conclure : « Merci aux policiers pour leur écoute. Pensées également pour Pierre Rigaux, qui est régulièrement victimes de ce type de messages suite à ses enquêtes ». Quelle habileté ! Car que retiendra le lecteur lambda ? Que le camp du Bien et de la Vérité, si bienveillant et patient soit-il, même à l’égard de ceux qu’il combat, souffre à longueur d’année d’une sorte de ‘‘persécution ordinaire’’ à laquelle seule la justice peut mettre un terme – omettant ainsi de préciser que ce même camp n’est pas avare de violences, verbales ou physiques, à l’endroit de ceux qui ne partagent pas ses vues ; les cynégètes en savent quelque chose…
En tout état de cause, qu’ils soient chasseurs ou antichasse, les individus qui usent de la menace ou de l’intimidation – ne parlons même pas des passages à l’acte ! – pour défendre leur point de vue ne sont pas dignes d’utiliser les moyens mis à disposition aujourd’hui pour s’exprimer. Les uns comme les autres confondent l’affirmation d’une position et la facilité de l’aboiement, la faculté de lutter – même énergiquement – pour ses convictions, et le reflexe assez primaire de hurler, de grogner, et d’espérer qu’on en vienne aux mains, comme au cinéma. Pathétique et surtout… contreproductif, ainsi qu’en témoigne cette malheureuse ‘‘affaire’’.
Quand donc sortira-t-on de cette mentalité infantile et régressive à laquelle trop de nos contemporains se soumettent ? Non seulement l’invective comme la victimisation sont des écueils à éviter, mais, en plus – conséquence rarement soulignée –, elles contribuent largement à engorger des tribunaux déjà saturés. Aussi apparaît-il urgent de nous extraire de cette funeste logique… nous autres chasseurs, au premier chef !