Discours d'Olivier Dassault du 22 septembre 2020.

Mes chers amis,
Quelle joie de vous retrouver ici dans ces temps incertains pour célébrer les 20 ans de Jours de Chasse, véritable prouesse journalistique, éditoriale et commerciale. Lors d’un anniversaire de 20 ans, il est de bon temps de commencer par la citation romantique et désabusée de Paul Nizan dans Aden Arabie : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie ».
Ceci est très certainement vrai pour un garçon ou une fille né(e) en l’an 2000 qui célèbre ses 20 ans dans l’année du COVID-19, année zéro d’un massacre social sans précédent pour ces jeunes qui abordent le marché du travail. Vous ajoutez à cela les angoisses liées à l’environnement et plus généralement à leur avenir et vous obtenez que les jeunes Français figurent parmi les plus pessimistes du continent européen : 62 % contre 32 % des Polonais.
Quel rapport avec l’anniversaire de Jours de Chasse, me direz-vous ? Notre passion, la chasse, a besoin des jeunes. La campagne de publicité de la Fédération nationale des chasseurs l’a bien compris. Pour continuer à vivre et à prospérer la chasse a besoin des jeunes générations, nous devons les aider à se reconnecter avec la vraie nature, pas une nature fantasmée dans un "salad bar, bio, vegan et sans gluten" de l’Est parisien.
Notre combat est celui de nos campagnes, de notre environnement, je ne dis pas qu’il ne faut pas continuer à évoluer, c’est la nature des choses, mais il faut que nous soyons forts sur nos bases.
S’attaquer à la chasse, c’est s’attaquer aux campagnes de France. Dans des termes plus "modernes", s’attaquer à la chasse, c’est s’en prendre à la ruralité. Le tout urbain montre, surtout à Paris, ses limites tous les jours.
La crise sanitaire fut la démonstration éclatante du besoin viscéral que notre société a de nos campagnes. Ce que les citadins oublient trop vite c’est que ce ne sont pas les campagnes qui doivent s’adapter, même si elles aussi peuvent évoluer en matière de couverture numérique par exemple, à eux mais l’inverse. Toutes les histoires de citadins s’en prenant aux cloches de l’église qui sonnent le matin, aux coqs qui chantent ou aux odeurs de la campagne sont l’illustration de la dé-connexion profonde entre les deux mondes. L’un qui rêve d’une nature qui n’existe pas et l’autre qui se sent attaqué et cerné de toutes parts.
À Jours de Chasse, nous avons une mission. Celle d’essayer de réconcilier ces deux mondes. Le succès et la pérennité de notre revue nous obligent à être une des voix de la raison au milieu de la déraison. Nous devons continuer à nous adresser aux amoureux de la nature, les vrais et nous étendre à d’autres publics comme les randonneurs.
Notre société se fracture de toutes parts, nous avons besoin de bâtisseurs de ponts et de passerelles pour faire face à ce délitement, conséquence de la rupture avec nos racines terriennes et abandons de nos communs républicains et autres. Nous devons réapprendre, ré-enseigner ces choses qui nous paraissent encore évidentes mais qui ne le sont plus : démocratie, vie en société, respect des règles, choix de la raison sur l’émotion.
Ce sont des défis immenses car nous sommes à l’ère de l’immédiateté, celle que nous annonçait Paris Match à l’époque avec son fameux "choc des photos" en ne prévoyant pas forcément la disparition du "poids des mots".
Au milieu de ces tumultes, Jours de Chasse, tel un phare dans la nuit, allie les mots et les photos et ce notamment grâce au travail exceptionnel de ses équipes : Bruno de Cessole, Humbert Rambaud, Vincent Piednoir pour l’équipe éditoriale ; Alain de l’Hermite, Jean-Louis Llombart, Aymeric Guillaume et Thibaut Engelsen pour les reportages ; Jérôme Pinel, Olivier Boisseau et Frédéric Geoffroy- Lombard, notre équipe commerciale et bien entendu, sans oublier Anne Deram et Elin Rambaud qui valorisent Jours de Chasse auprès d’un large public. Malgré les défis qui se posent à nous, je n’ai aucun doute que la chasse perdurera et l’arrogance toute humaine de penser que l’on peut tirer un trait sur des siècles de tradition et de pratique a vocation à se dissiper dans l’éther du temps, le grand pacificateur, comme toutes les ambitions de créer un homme nouveau ont pu le faire avant.

Nous sommes néanmoins à une période charnière entre envies de retour à la nature, réelle ou rêvée, de beaucoup de nos concitoyens ; fin du modèle de consommation issu des Trentes glorieuses et décalage profond entre les territoires malgré les plans de revitalisation qui se succèdent sans avoir réellement d’effets.
Il m’est avis que notre avenir réside dans nos campagnes plus que dans nos villes. Il réside dans cette recherche d’équilibre entre tradition, racines et modernité, ailes pour paraphraser le fameux dicton "des racines et des ailes".
Comme dirait Flaubert « la bêtise consiste à vouloir conclure », je vous laisserai donc sur deux recommandations à prendre avec vous pour cette rentrée si particulière.
L’une de Bernard Pivot : « La rêverie vagabonde est nécessaire à la bonne hygiène de vie, à l’équilibre de l’homme dans la bourrasque quotidienne » et quel meilleur moment pour vagabonder que lorsque l’on attend le gibier sur son poste de chasse ?
L’autre de Jacques Chirac : « Les Anciens savaient que la clé des songes est aussi celle de l’équilibre et du bonheur et recommandaient la pratique de la sieste ». En espérant ne pas vous avoir endormi avec ces quelques mots, je vous invite à lever votre verre aux 30 ans de Jours de Chasse, que nous célébrerons donc en septembre 2030.
À Jours de Chasse !