Ayant quitté Paris il y a une petite dizaine d’années, la famille de Serge et Marie-France Paul-Reynaud s’est installée au milieu d’une bonne bande d’amis à une petite demi-heure de Marrakech. Leur fille, Charlotte, et son mari, le baron Axel de Sambucy de Sorgue – fils de la princesse Chantal de France –, habitaient aussi à Marrakech, avec leurs deux enfants, il y a encore quelques semaines : ils viennent, en effet, de s’installer à Essaouira, ce qui ne les empêche pas, bien entendu, de faire souvent le trajet inverse vers Marrakech, notamment lorsque la chasse est ouverte. Ce fut d’ailleurs lors de cette période que nous avons eu le plaisir de leur rendre visite.

Ah le Maroc ! Cette terre d’un exotisme absolu, à nulle autre pareille, demeurée pour ainsi dire hors du temps, attachante en diable, et qui s’offre à nous aujourd’hui dans la splendeur de son magnifique soleil hivernal… Balayée sur ses hauteurs par l’air vif de l’Atlantique, pourvue de cédraies exceptionnelles et d’un amphithéâtre montagneux impressionnant, cette région du Maghreb, qui, par le sud, conduit tout droit aux peuples noirs, et qui, par le nord, se projette tout entier vers Gibraltar – d’où l’Europe, écrivait Saint-Ex, semble être une « banquise énorme à la dérive » –, recèle en son sein une sauvagerie incomparable, présente, pourrait-on dire, à l’état pur.

De cette faune, de ce bestiaire unique qui dépassait jadis l’imagination – notamment avant 1939, et avant que le fameux lion de l’Atlas n’y ait disparu –, il demeure encore aujourd’hui quelques beaux spécimens de mouflons à manchettes, ainsi que des cerfs de Barbarie. Néanmoins, si nous sommes venus sur ces terres à l’invitation de nos hôtes, c’est pour chasser l’un des petits gibiers les plus emblématiques du lieu. Peut-être songera-t-on à la bécassine, ou bien à la caille ? Il n’en fut rien : l’objet de notre convoitise était en fait cette jolie perdrix qui ressemble à certains égards à notre ‘‘rouge’’ et qui, vieille de quelque cinq millions d’années, est présente sur une ligne allant du Maroc à l’Égypte… Son nom ? La perdrix gambra, bien sûr !

Atlas Shooting : ainsi s’appelle le territoire que Serge partage avec quelques proches pour une chasse par adjudication, et qui recouvre pas moins de 4 000 hectares de roches rouges. Parmi ceux-ci, 300 hectares sont entièrement privés, ce qui lui permet de pratiquer sa passion en toute tranquillité, et de débusquer le gibier dissimulé dans les ziziphus lotus (ou jujubiers sauvages), ces bosquets denses et épineux si typiques de la région. Son garde-chasse, Trevor Howson, est un vrai Britannique ; il était déjà présent en France, auprès de la famille, lorsque celle-ci chassait le faisan dans le Perche. Aidé dans ses fonctions par quelques hommes, Trevor régit avec talent et professionnalisme ce territoire constitué de nombreuses vallées situées aux pieds de l’Atlas, et où l’on compte une quantité importante de gambras parfaitement naturelles. Son travail consiste, notamment, à fournir l’eau nécessaire aux oiseaux sur cette terre particulièrement aride, grâce à un judicieux système d’irrigation.

Ici, on ne réalise pas plus de huit chasses en battue par saison – pour une ligne de huit chasseurs –, battues au cours desquelles vingt-cinq rabatteurs arpentent les sols escarpés. Ces chasses bouclent le circuit annuel de Serge Paul-Reynaud. Ce nemrod passionné, qui a hérité de l’amour cynégétique de son père, aime chasser aussi le chamois dans les Alpes-de-Haute-Provence (certains trophées ornent le mur de sa bibliothèque). Néanmoins, la véritable passion de Serge est la plume, nous avoue-t-il, ou les grands animaux d’Afrique, comme en témoignent certains spécimens rapportés chez lui.

Après cette chasse, sous les derniers rayons de soleil éclairant encore les pieds de l’Atlas, nous avons dégusté un repas qui faisait honneur aux produits du bled et aux oiseaux locaux. Une table familiale, qui fut à l’image de notre séjour : un délice !