L’écologie dogmatique continue sa percée. Deux actualités en témoignent. D’abord la parution, le 23 mai, d’un rapport de la Cour des comptes relatif aux soutiens publics dont ont bénéficié les éleveurs de bovins entre 2015 et 2022 et qui recommande « une réduction importante du cheptel » en raison du « bilan climatique défavorable » dû aux émissions de méthane de ces animaux ; ensuite, le tweet enthousiaste de Bruno Le Maire, le 17 mai, au terme de l’inauguration d’une usine de ‘‘viande végétale’’ dans le Loiret : « Le saviez-vous ? 100 g de protéines végétales génèrent de 60 à 90 % de gaz à effet de serre en moins que 100 g de protéines animales ». Dans l’un et l’autre cas, une seule logique : la consommation de viande est néfaste à la planète ; tout ce qui permet de l’enrayer est donc bon pour celle-ci. Questions : bois mort de l’humanité, les éleveurs seront-ils bientôt sacrifiés sur l’autel de la décarbonation ? Terrifiés à l’idée d’être exclus du sens de l’Histoire et du Progrès, certains de nos dirigeants ne favorisent-ils pas, ainsi, l’avènement de bouleversements anthropologiques inédits, qui passeront par la redéfinition intégrale de notre rapport aux animaux de rente, aux paysages qu’ils contribuent à modeler et aux corps – les nôtres – qu’ils contribuent à nourrir ?

Ce faisant, n’ouvrent-ils pas la voie au marché colossal de la nourriture de laboratoire – en particulier de la viande cellulaire –, pour le plus grand bonheur des véganes et antispécistes ? Faisons donc comme si rien n’avait existé – ni agriculture, ni aménagement du territoire grâce à celle-ci, ni paysans… depuis mille ans ! Les paysans ont forgé la France. Bien sûr, celui de l’an mil n’existe presque plus : c’est un exploitant agricole. Cela nous autorise-t-il à le balayer d’un trait de plume, comme si notre histoire était obscène ? Avec l’assentiment d’élites, l’éleveur est désormais menacé dans sa raison d’être : il devient gênant. Si de telles perspectives devaient se préciser, quid de notre ‘‘souveraineté alimentaire’’ ? Quid de l’état de nos espaces naturels, si marqués par l’élevage ? Les sages de la rue Cambon, comme notre ministre de l’Économie, seraient peut-être bien inspirés de revenir à plus de prudence…