C'est sans conteste une grande première : le 23 juillet dernier, dans le cadre du château de Chambord, Ortega, femelle (forme en termes de fauconnerie), faucon pèlerin d’origine espagnole (ou plus exactement de la sous-espèce méditerranéenne brookei) âgé de 12 mues (12 ans), a été décorée à titre exceptionnel de la médaille de la Défense Nationale échelon bronze, par le colonel Olivier Kaladjian, de la base aérienne d’Avord, près de Bourges. Ortega fait, en effet, partie de la section de prévention du péril animalier de l’ESCA 102 d’Avord ; elle a été affaîtée (dressée, en fauconnerie) par notre ami Thomas Garrido, responsable de cette section. Très vite, Ortega a montré des qualités de chasseur hors pair, « à la fois agressive, tenace, efficace, sérieuse », souligne Thomas. Cette redoutable mécanique affiche à son actif aujourd’hui plus de… 500 prises (« 500 victoires aériennes », a précisé dans son discours le colonel Kaladjian), aussi bien des corvidés, des pluviers, des vanneaux que du gibier plus ‘‘classique’’ (perdrix, faisans…), quand Thomas pratique, non plus la prévention, mais la chasse au vol.
Rappelons que cette prévention a été mise en place pour la première fois en 1980, sur la base d’Istres, par l’autoursier et fauconnier Bernard Prevost (alors secrétaire général de l’Association nationale des fauconniers et autoursiers français), à la suite de trop nombreuses collisions entre avions et oiseaux : l’expérience fut si concluante qu’au bout d’un an, les accidents avaient diminué de 70 %, et que, cette même année, l’Armée de l’air valida la fauconnerie comme moyen d’effarouchement ; elle essaima à Villacoublay, Saint-Dizier, Mont-de-Marsan, Avord… Aujourd’hui, sur sa base, Thomas emploie six oiseaux : outre Ortega, il a deux autres pèlerins, un hybride de sacre-gerfaut (pour les corvidés) et deux buses de
Harris. Un des hauts faits d’armes d’Ortega se déroula en décembre 2013.
Avant l’atterrissage d’un E-3F Awacs, la piste est inspectée par Thomas Garrido. De la brume, de la neige, les conditions de vol sont difficiles. Il ne voit rien aux jumelles, mais Ortega manifeste visiblement un intérêt (souvenons-nous que l’acuité visuelle d’un rapace est la meilleure du monde animal) : elle s’envole et attaque dans le lointain une bande de pluviers dorés et de vanneaux. « Cela a permis d’éviter à l’Awacs d’atterrir, et de provoquer une collision avec les oiseaux, donc des dégâts importants », explique-t-on du côté de la base aérienne.