Honorer la mémoire d’un homme d’État de la dimension de Georges Clemenceau par une biographie cynégétique de 300 pages est assez insolite. Certes, nul n’ignore la passion pour la chasse de celui que l’histoire a surnommé ‘‘le Tigre’’ (voir Jours de Chasse n° 85). Cependant, les très nombreux auteurs qui ont écrit sur lui ne font qu’effleurer sa vie privée et son intimité tant la densité et la longévité de sa vie publique est exceptionnelle. À travers son Clemenceau, les traques du Tigre, François-Xavier Allonneau dépeint un homme dont le paraître tonitruant a souvent masqué la sensibilité. En plaçant la chasse au centre du personnage, l’auteur renverse le problème et laisse entendre, sans l’avouer, une suggestion audacieuse : ce n’est plus l’homme politique qui chasse, mais le chasseur qui fait de la politique. Ainsi découvre-t-on la vie de l'un des plus grands hommes d'État français à travers sa passion pour la chasse. Du bocage vendéen jusqu’aux Indes où, invité à 79 ans par le maharadja de Bikaner, il tua deux tigres, Clemenceau a toujours chassé : le petit gibier en Île-de-France, en Provence ou dans l'Ouest, les tirés officiels, la vénerie en Bas-Poitou, la grande chasse en Amérique latine et en Afrique, etc. On découvre ses rencontres, ses lectures, ses amis, sa passion pour la pêche, son fameux surnom de Tigre et mille autres anecdotes qui témoignent de sa passion pour la chasse. Dans une succession d’histoires et de nouvelles laissées par l’homme politique, l’auteur puise avec bonheur les sentiments, les aphorismes. On découvre une relation charnelle à la nature, à la chasse. Le tableau n’a pas d’importance, dit-il. « Ma joie était de courir, de boire le ciel, le vent, la pluie, le soleil, de m’enivrer des senteurs de l’herbe, de m’émerveiller aux spectacles de la terre ». Très loin de son intransigeance légendaire, on l’entend se décrire ainsi, le soir d’une ouverture : « J’avais tiraillé tout le jour à tort et à travers sans rien ramasser naturellement, car mon fusil partait d’émotion à tout bruit d’ailes ». Un livre qui devrait figurer dans la bibliothèque de tout nemrod.

Casa Éditions, 303 pages, 29,95 €.