Début février, ‘‘Nos Viventia’’ – jeune association fondée par Pierre Rigaux – a lancé sur Internet une campagne à laquelle nous devrions réfléchir sérieusement. Constituée de dix dessins montrant chacun un animal domestique ou de rente, et un animal sauvage, le tout accompagné d’un slogan – un veau entouré de chiens, et un cerf également entouré de chiens avec ces mots : « Lâcher la meute sur un animal, c’est interdit. Sauf à la chasse à courre » ; un lapin de compagnie recevant une volée de plombs, et un lapin de garenne dans la même situation avec ceux-ci : « Des plombs dans la tête, c’est interdit. Sauf à la chasse », etc. –, ladite campagne, en substance, attire l’attention sur le fait que si la loi condamne les « actes de cruauté » ou de maltraitance envers les animaux « domestiques ou apprivoisés ou tenus en captivité », « rien n’interdit » de tels comportements à l’égard de l’animal sauvage « dans le cadre de la chasse. Un détail qui fait dire à Nos Viventia que [celle-ci] est “la grande oubliée du Code pénal” », et, à Pierre Rigaux, que « la chasse de loisir doit être abolie ». Caricaturale, car très militante, la publication met cependant le doigt sur un problème philosophique et une incohérence juridique essentiels : sous l’angle de la seule sensibilité physique, quelle différence y a-t-il entre animal domestique et animal sauvage libre ? Aucune. La répression par la loi d’un tel acte à l’endroit du premier finira tôt ou tard par s’étendre au second : qu’en sera-t-il alors de la chasse, de la pêche ? Le risque est grand, auquel nous devons nous préparer – urgemment ! Or, deux pistes, au moins, s’offrent à nous, qui tiennent en deux questions trop rarement – sinon jamais – posées aujourd’hui. Tout d’abord : comment déterminer a priori et avec précision où commencent la souffrance et, le cas échéant, la cruauté ou la maltraitance ? Ensuite, et parce qu’il est capital de repenser notre rapport à l’animal à l’aune d’une perspective beaucoup plus large et que nous avons délaissée sous la pression des animalismes : l’animal n’est-il rien d’autre que le réceptacle de la douleur ou du plaisir ? N’est-il, plus précisément, qu’un ‘‘être sensible’’ dont la constitution anatomique épuiserait l’essence ? Questions abstraites, opposeront certains. Qu’ils n’oublient pas que les idées gouvernent le monde, et ont des conséquences très concrètes… Nos Viventia et consorts, eux, le savent.