Benjamin Rophé, le fondateur d’Armes Prestige, a eu la judicieuse idée de faire essayer, à la chasse, des fusils de maisons prestigieuses. Récit d’une journée hautement singulière…

Qui n’a rêvé un jour, une heure, d’avoir entre les mains, de chasser avec un Purdey, un Boss, un Holland & Holland, un Beesley, un Woodward ? Pour un amateur d’armes un tant soit peu éclairé, difficile de ne pas admirer leurs platines, leurs beaux bois, leurs somptueuses gravures… Les noms de ces quelques maisons représentent sans contestation aucune la quintessence du luxe, de l’artisanat, de la chose bien faite, comme peuvent l’être Ferrari, Aston Martin, Lamborghini, pour l’automobile, ou Rolex, Patek Philippe, Bréguet… pour l’horlogerie. Las… cela relève bien souvent du songe, du mirage que l’on entrevoit, pour s’évanouir aussitôt, comme une chimère inaccessible. Ce rêve, Benjamin Rophé le fait, pourtant, toucher du doigt.
Le fondateur d’Armes Prestige, responsable de notre rubrique ‘‘Enchères Armes’’, a eu, en effet, la judicieuse idée de proposer à ses clients et à quelques amis d’essayer sur le terrain, à la chasse, des fusils proprement
hors du commun. « Je veux proposer autre chose que des séances sur un ball-trap, si accueillant soit-il. À la chasse, le chasseur ne s’occupe pas du fusil, mais du gibier. Le plaisir est total », souligne-t-il.

Rendez-vous avait été pris de longue date dans le courant du mois de janvier, au sud de Tours, au domaine de la Lijarderie, tenu par la famille Delavault, sous la ferme direction de Ludivine, à quelques encablures d’Azay-le-Rideau, symbole de cette Renaissance qui annonça l’éclosion du classicisme à la française. C’est à peine croyable : le temps est clair, sans une goutte d’eau, comme si les âmes protectrices de Rabelais, de Ronsard, de Descartes avaient voulu que l’on découvre leur province sous ses meilleurs atours. Les chasseurs sont déjà là, presque tous affairés, dans la salle de réception, autour des chefs-d’œuvre artisanaux apportés par Benjamin Rophé : des calibres 12, 16, 20, 28, 410, d’avant 1914, ou beaucoup plus récents. Il y en a pour tous les goûts et… toutes les bourses (voir notre encadré). On se prendrait presque, pendant quelques instants, pour le comte Justinien Clary, considéré au début du XXe siècle comme le « premier fusil de France », ou pour Alphonse XIII, l’un des premiers fusils d’Europe de l’entre-deux-guerres.

Autre idée de Benjamin Rophé : pour pouvoir essayer ces armes dans les meilleures conditions, sans aucun esprit de compétition, ce ne sont pas des battues qui nous attendent (d’ailleurs, avec le manque de relief du territoire, l’exercice ne s’y prête guère) mais de la chasse devant soi, au chien d’arrêt. La raison en est simple : en battue, la direction des oiseaux, dépendant du vent, est aléatoire ; en outre, savoir tirer des faisans à plus de 40 mètres de hauteur n’est pas donné à tout le monde. Même avec un Purdey ou un Boss entre les mains, ne pas réussir à décrocher un oiseau peut vite devenir frustrant.

Devant soi, au chien d’arrêt ; au fond, il ne reste que le plaisir. C’est d’ailleurs la démarche cynégétique de la famille Delavault sur les 400 hectares du domaine de la Lijarderie. Chaque chasseur ou groupe de chasseurs, qui se connaissent obligatoirement, se voit attribuer un territoire
Pour cette première matinée, nous avons rejoint un groupe de quatre chasseurs. Le terrain est idéal pour qu’un chien d’arrêt puisse travailler dans les meilleures conditions : un biotope ouvert, encadré de bois et de haies, parsemé de cultures qui offrent un bon couvert au gibier. Les plantations de miscanthus sont suffisamment étroites pour éviter de perdre de vue les chiens, et qu’ils n’en fassent qu’à leur guise, comme nous le voyons trop souvent. En fait de chiens, nous avons trois setters anglais dirigés par Ludovic Delavault. Sans conteste, il connaît son affaire, et ses chiens connaissent leur métier. Tout au plus, les puristes regretteront qu’il ne prête apparemment pas une grande atTir d’une poule faisane à l’arrêt d’un setter. tention au vent, paramètre essentiel, car (qui sera toujours différent entre le matin et l’après-midi) sur lequel chasser avec ses chiens. S’ils n’en ont pas, les Delavault en mettent à leur disposition. Ils en ont, sans exagération aucune, une véritable meute, principalement des setters anglais. Pour les chasseurs présents aujourd’hui, quand ce n’est pas une découverte, c’est un retour aux sources. Au vrai, avec les contraintes de la vie moderne et urbaine, pouvoir chasser avec un chien d’arrêt est devenu un véritable luxe, mais n’est-ce pas là où sont concentrées les joies les plus pures et les plus totales ? « Pas un chasseur n’osera nier que, pendant l’arrêt du chien, son cœur ne palpite avec plus de force, que sa respiration ne devient haletante, que tous les nerfs du corps n’éprouvent une impression particulière de serrement général… », écrit le comte Clary, qui avait pourtant participé à des centaines, voire des milliers de battues, à telle enseigne que son tableau de chasse affichait allégrement à la fin de sa vie les… 300 000 pièces.

Pour cette première matinée, nous avons rejoint un groupe de quatre chasseurs. Le terrain est idéal pour qu’un chien d’arrêt puisse travailler dans les meilleures conditions : un biotope ouvert, encadré de bois et de haies, parsemé de cultures qui offrent un bon couvert au gibier. Les plantations de miscanthus sont suffisamment étroites pour éviter de perdre de vue les chiens, et qu’ils n’en fassent qu’à leur guise, comme nous le voyons trop souvent.

En fait de chiens, nous avons trois setters anglais dirigés par Ludovic Delavault. Sans conteste, il connaît son affaire, et ses chiens connaissent leur métier. Tout au plus, les puristes regretteront qu’il ne prête apparemment pas une grande attention au vent, paramètre essentiel, car le chien, vent dans le dos, est dans l’impuissance à capter la moindre émanation. Ludovic Delavault n’ignore rien de tout cela, mais reconnaît que, souvent, les chasseurs ont du mal à admettre devoir faire des marches et contremarches pour se retrouver toujours face au vent. Parfaitement guidé, notre groupe pourra admirer de nombreux arrêts, et aura de nombreuses occasions de tir sur des perdrix et des faisans. Certains se montrent d’une adresse redoutable, d’autres beaucoup moins… Mais tous seront unanimes à dire que ce choix de mode de chasse les ravit car, trop souvent, la chasse se résume à des battues où ils ont conscience de tirer plus que de chasser. Ce qui ne les contraint guère à fournir quelque effort, si l’on en juge par les joues rougies et le souffle court de certains…

Visiblement, la halte du déjeuner est la bienvenue pour étancher le gosier, et reconstituer ses forces. A n’en pas douter, les plats furent un peu trop copieux pour certains, au vu de l’état de somnolence qui les a envahis peu à peu. Heureusement, à la différence de trop nombreuses chasses, le déjeuner fut rondement mené, afin que l’après-midi ne soit pas réduit à un ersatz de chasse. Là encore, nous avons pu essayer de nouveaux et somptueux fusils, un nouveau territoire, un peu plus boisé cette fois, avec des oiseaux qui avaient toujours autant de souffle et d’aile. Dire que certains auront un peu de mal à rendre leur fusil à la fin de la journée est un euphémisme. D’autres reconnaîtront qu’ils n’ont jamais aussi bien tiré avec, eux qui ne chassent le petit gibier que deux ou trois fois par an. C’est pour cela que Benjamin Rophé compte renouveler ce type d’événement. En rentrant leur reviendra peut-être à l’esprit la phrase du comte Clary dans La Chasse moderne : « C’est une erreur de croire que l’on peut tirer avec n’importe quel fusil ; tirer sans doute, mais non bien tirer ».

Fusils présentés lors de la chasse Armes Prestige

Boss and Co, superposé calibre 12, monodétente, 1994

Fusil emblématique de l’armurerie anglaise, ce Boss a été présenté dans un état neuf.

Paire Lebeau-Courally, superposés bascule Boss, calibre 16, 1961

Lebeau-Courally fut le seul, avec Franchi, à fabriquer pendant quelques années des fusils en utilisant officiellement les systèmes Boss (bascule, fermeture et devant). Cette paire de fusils exceptionnels superposés fait partie de cette courte liste de fusils.

Paire Purdey juxtaposés, calibre 16, 1906

Cette paire de fusils fut fabriquée pour le tir aux pigeons vivants avec des canons de 74 cm. Remis en état proche du neuf par Purdey, ces fusils ont été présentés sous leur meilleur jour.

Paire de William Powel, juxtaposés, ouverture latérale, calibre 12, 1904

Comme la paire de Purdey en calibre 16, cette paire de fusils dont la particularité est l’ouverture latérale par clé de serpent, a été restaurée
par Powel. Elle a été présentée dans un état proche du neuf.

Paire de de Meern (Francotte), juxtaposés, bascule ronde, calibre 20, 1995

De Meern est une marque hollandaise créée par Thomas Derksen, le propriétaire de Francotte. Fabriquée sur les mêmes standards, cette paire de calibre 20, bascule ronde, est un très beau témoignage du savoir-faire
belge.

F. Beesley, juxtaposé calibre 16, 1924

Frederic Beesley est sans conteste l’inventeur de la platine moderne. Après avoir vendu son brevet à Purdey en 1880, cet inventeur de 33 ans a développé une seconde platine qui sera, quelques années plus tard, le système qui équipera les fusils Holland and Holland. Ce calibre 16 de 1924 est un résumé de l’histoire de l’armurerie anglaise à lui tout seul.

Jule Bury, superposé bascule basse, calibre 20, 1954

Jules Bury est l’un des grands artisans indépendants belges. Ce fusil est agrémenté d’une platine type Holland, d’une bascule ultra basse et d’un devant trois pièces. Gravé par Rouffin, ce calibre 20 est particulièrement fin et maniable.

Francotte, juxtaposé, calibre 410 mag, gravé par Corombelle

Seules 12 bascules de 410 ont été produites par Francotte. Avec ses 2,2 kg, ses canons de 71 cm et son état neuf, ce fusil miniature a ravi les amateurs de petit calibre.

Casartelli, juxtaposé Gran lux monodétente, gravé par Terzi, calibre 20

Ce superbe fusil calibre 20 est l’archétype de la beauté et de la qualité italiennes. Doté d’une platine type Holland, d’une monodétente et de gravures réalisées par Terzi, le maître-graveur de Piotti, ce petit bijou de 2,8 kg a rencontré un franc succès lors de cette chasse.

Henry Atkin (de Purdey), juxtaposé bascule entaillée, calibre 28

Ce magnifique fusil a été réalisé sur une bascule type Anson et Deeley arrondie entaillée, de style écossais, dans les années 2000. Avec son jaspage d’origine, ce fusil est d’une élégance rare.

William Evans (de Purdey), juxtaposé à chiens extérieurs, calibre 410 mg

Changement de siècle (1882) avec ce magnifique 410 mag à chiens extérieurs et canons de 76 cm.

Paire de Boss and Co, juxtaposé calibre 16, 1965

Boss and Co n’est pas seulement connu pour ses superposés. Ici, une paire de fusils juxtaposés à platine Boss en double détente et calibre 16.

James MacNaughton, Skeleton bar-in-wood, calibre 16, 1939

Probablement l’un des fusils les plus esthétiques au monde : le Barinwood de MacNaughton. Avec sa bascule soulignée de bois et des canons de 76 cm d’origine, ce fusil est le dernier numéro sorti de la fabrique en 1939, avant la fermeture liée au début de la guerre. La firme sera vendue, à sa réouverture en 1947, à John Dickson.

Renseignements
Armes Prestige
Benjamin Rophé : 06 17 01 95 60
www.armes-prestige.com
Le Domaine La Lijarderie :
www.domainelijarderie.fr