N’en déplaise à nos détracteurs, la chasse est essentiellement transmission de connaissances, passages de flambeaux, véhicule de mémoire entre générations. A l’automne, à l’hiver du cynégète, succède depuis toujours le printemps de celles et ceux qui ont vocation à prendre sa suite : les seconds auront appris du premier, et, ajoutant à ce savoir le fruit de leurs expériences personnelles, il y a fort à parier que, plus tard, eux-mêmes lègueront à la postérité l’essence de la passion qui les aura habités, et qu’ils auront su adapter aux exigences de leur propre époque. On comprend, dès lors, pourquoi les opposants à la chasse s’acharnent avec tant d’ardeur à briser ce lien têtu, et si solide ; mais on comprend aussi pourquoi, de nos jours, de jeunes gens s’efforcent contre vents et marées de se porter garants des valeurs qui fondent la légitimité d’un tel lien.
Assurément, Montaine Vanier et son frère Loup sont de ceux-là. Agés respectivement de 28 et 25 ans, ils furent, dès la petite enfance, initiés par leur père et leur mère au bonheur de vivre au plus près de la nature, une nature authentique, qui suit ses propres règles – règles qu’ils ont, au cours de différents voyages, appris à comprendre, et à respecter. La chasse ? « Tout comme la pêche, elle fait partie des lois que l’on observe partout dans les milieux sauvages. Pour nous qui avons été élevés parmi ces derniers, elle est une évidence, nous confie Montaine. Au fond, la question n’est pas de savoir si la chasse a encore une justification aujourd’hui sous nos latitudes ; à nos yeux, elle a évidemment toute sa place dans le panel des activités dites ‘‘d’extérieur’’ au sens large. La question est plutôt de montrer, par l’exemple, que la seule chasse digne de ce nom est celle que l’on peut ériger en art et en art de vivre, ce qui suppose, toujours, un véritable rapport éthique à l’animal et à la nature en général ».
Forts de ce principe qu’ils n’ont de cesse de rappeler, l’un et l’autre se sont récemment lancés, ensemble, dans une aventure à la fois personnelle et professionnelle qui mérite d’être soutenue et abondamment relayée. « Durant les confinements successifs que nous avons tous subis à cause de la crise sanitaire, nous explique Loup, ma sœur et moi avons eu la chance de pouvoir passer ces mois contraints hors de Paris, au cœur de cette superbe Sologne à laquelle nous sommes très attachés. Alors que tant de personnes se retrouvaient enfermées ou presque dans leurs appartements, nous avions sous les yeux, chaque jour, les forêts, les prairies, les animaux – tout ce qui, au sein de la nature, nous apporte souffle et joie… »
Une période d’« introspection » et de réflexion sur leurs envies profondes qui a abouti, finalement, à un « pari commun », vrai « retour aux sources » : créer une plateforme Internet destinée à mettre en relation, sous conditions précises, d’une part, des chasseurs en quête de lieux où pratiquer leur passion, et, d’autre part, des hôtes désireux et capables de les accueillir. Ainsi est née, après de longs mois passés sur les routes de France à visiter de multiples territoires mais aussi à parfaire tous les aspects ‘‘logistiques’’ du projet, la fameuse plateforme baptisée ‘‘Tuchassou’’, plateforme que nous encourageons vivement le lecteur à explorer, soit qu’il cherche… où chasser, soit qu’il souhaite… recevoir des chasseurs sur ses terres.
Proposant, pour l’heure, une trentaine de destinations triées sur le volet et réparties sur l’Hexagone, aussi bien en plaine, en forêt et en montagne qu’au marais – petit et grand gibier, et presque tout type de chasse –, Montaine et Loup précisent à juste raison que leurs offres (actions, à la journée, etc.) se présentent comme « des expériences de chasses aussi naturelles, sauvages et authentiques que possible, répondant toutes à des exigences éthiques » qu’ils ont d’ailleurs pris soin de décliner point par point dans une charte consultable sur leur site, et qui conditionne la mise en relation hôtes/chasseurs. « Cette dimension est très importante pour nous : que l’on reçoive ou que l’on soit reçu, le respect de l’acte de chasse, de ses aléas, du gibier, etc., tout cela est primordial. Au même titre que les notions de courtoisie, de partage et de convivialité, qui sont aussi des arguments en faveur de la chasse… », ajoutent-ils d’une seule voix.
Des projets, des idées pour continuer de développer Tuchassou ? « Bien sûr ! Outre les nombreuses visites que nous effectuons actuellement, nous pourrons bientôt proposer des expériences de chasse à courre, et, nous l’espérons, à l’arc. Nous aimerions également mettre en place des journées de découvertes, dédiées à la fauconnerie par exemple. Et, pourquoi pas, nous adresser aux non-chasseurs avides de connaître la diversité de l’univers cynégétique… Mais toujours par le biais d’une approche qualitative et exigeante ».
Sécurisé et sérieux, Tuchassou est un échange de bons – sinon d’excellents – procédés, dont les maîtres d’œuvres, fort agréables au demeurant, montrent par leur action que la ‘‘relève’’ de la jeunesse est bel et bien assurée.