Que feraient, que seraient les Verts français sans les chasseurs ? On peut légitimement se poser la question. Si pour nous, nemrods, la chasse est une passion, celle-ci semble bien être, pour eux, une espèce de marotte ou d’obsession. Ils y reviennent toujours, avec la régularité d’une horloge, trop heureux d’aller tous dans la même direction quand, sur tant d’autres sujets, leurs avis et leurs intérêts divergent ou s’entrechoquent.
Osons le dire : les écologistes français aiment les chasseurs – d’un amour certes peu banal dans son expression, intéressé, presque vénal, mais, à y regarder de près, bien réel. Car l’opposition à la chasse est à leurs yeux un formidable principe de cohésion, à telle enseigne que l’on subodore que, dans leur for intérieur, ils ne souhaitent pas vraiment la faire interdire – un peu, cela dit sans ironie, comme le fox-hunter qui ne souhaite pas, vraiment, prendre le renard… La chasse leur est au fond si utile ! Elle leur est même vitale. Pourquoi donc ?
Parce qu’elle leur permet, tout simplement, de donner le change dès que les circonstances le nécessitent. Un seul exemple : alors qu’une partie de la France grelotte, que l’augmentation du prix de l’énergie – particulièrement électrique – risque fort d’être fatale à certains professionnels et que les pouvoirs publics se plaisent à agiter la menace de ‘‘coupures’’ – la ‘‘sobriété’’ étant moins heureuse qu’imposée –, nos bons petits décroissants-écologistes-écocitoyens-écoceci-écocela ne tiennent pas trop à évoquer leur lutte ardente et très ancienne contre l’énergie nucléaire, énergie dont la France, hier encore, était un fleuron à l’échelle internationale. Il est vrai, du reste, que les grands médias ne les harcèlent pas de questions à cet égard… Un accident de chasse, ou la sempiternelle invocation du « puissant lobby des chasseurs » comme symptôme d’une démocratie prétendument confisquée et aveugle à la « catastrophe » environnementale, cela est nettement plus efficace pour tenir en haleine le quidam et ne pas perturber ses habitudes – surtout comparé à de fastidieuses enquêtes qu’il faudrait pourtant mener sur la responsabilité historique desdits écologistes, quant à ce que maints Français vivent aujourd’hui, concrètement, au quotidien. En sorte que si la détestation de la chasse est globalement fort commode, elle constitue, pour les Verts, un véritable refuge qui les protège de leurs propres vicissitudes et errements politiques.
En tout état de cause, la passion très ‘‘utilitaire’’ qu’ils éprouvent à l’endroit de la chasse est, une fois de plus, sortie du bois. Le 29 novembre dernier, en effet, trois propositions de loi liées au fameux ‘‘bien-être animal’’ ont été enregistrées par la présidence de l’Assemblée nationale. Passons sur deux d’entre elles, qui ne concernent pas directement la chasse, et arrêtons-nous sur la troisième : la PPL n°535, sobrement – et bizarrement – intitulée « Pour une chasse plus respectueuse de la nature et de ses usages ». Présentée par vingt députés – tous estampillés écologistes-Nupes –, dont quelques stars au demeurant – Sandrine Rousseau, Julien Bayou… –, cette PPL réclame pêle-mêle : l’interdiction « de la chasse les week‑ends, les jours fériés et les vacances scolaires pour que, enfin, nous retrouvions un accès libre à la nature et à nos forêts [on notera la mention fallacieuse du possessif ‘‘nos’’] » ; l’interdiction « de la chasse à courre et [des] pratiques de chasse équivalentes, ainsi que [des] chasses dites traditionnelles. La chasse à courre est une pratique cruelle car l’animal est traqué des heures durant dans des conditions de stress importantes et jusqu’à épuisement. Contrairement à d’autres types de chasse, la chasse à courre ne contribue pas à la régulation de certains animaux en surnombre. Elle est déjà interdite dans plusieurs pays européens (Allemagne, Belgique, Écosse, Angleterre, Pays de Galles) » ; l’interdiction de « la vénerie sous terre, qui implique d’importantes souffrances pour l’animal […], ainsi que [des] chasses dites traditionnelles telles que la chasse à la glu, à la tendelle, à la matole, aux pantes, la chasse tenderie aux vanneaux, la chasse tenderie au brancher » ; l’interdiction de « la délivrance et [du] renouvellement d’attestations de meute destinées à l’exercice de la chasse à courre, à cor et à cri, sous terre, ou à des pratiques analogues susceptibles d’exposer la vie d’un animal [sic, concernant la fin de cette phrase, qui condamne en réalité une bonne partie de la chasse !] » ; l’interdiction, enfin, de « la chasse en enclos et [de] ses différentes pratiques, en passant notamment par l’interdiction définitive de l’agrainage et l’affouragement, pratiques qui concourent à l’artificialisation des milieux et des espèces sauvages ». Parvenus au bout de ce pensum, une conclusion s’impose à nous : une chasse « respectueuse » signifie… plus de chasse du tout. S’ils lisaient ces lignes, nos courageux députés signataires n’auraient sans doute pas le front de nous contredire.
Inutile de relever point à point l’indigence d’une telle proposition de loi, qui contreviendrait à la fois au droit de chasser, au droit de propriété et à la liberté de transmission – concernant la chasse à courre, Pierre-François Prioux, président de la Société de vénerie, s’est chargé de répondre, le 6 décembre dernier, dans une lettre adressée au député écologiste-Nupes de la 1re circonscription d’Indre-et-Loire, Charles Fournier. Ce qui nous interpelle au plus haut degré, en revanche, c’est l’empressement, la fougue, l’excitation presque adolescente des signataires à émettre le désir de cette série d’interdictions. Nos écologistes sont comme enivrés de l’existence des chasseurs – lesquels ne leur en demandent pas tant, eux qui veulent seulement vivre leur passion en paix. Est-ce l’expression d’un amour à rebours, est-ce l’expression d’un opportunisme trivial ? Sans provocation, nous aurions tendance à penser que c’est un mélange des deux options. Lucky Luke ne cessera jamais de poursuivre les Dalton ; le Coyote, Bip Bip ; Tom, Jerry… Qu’adviendrait-il si les Dalton, Bip Bip et Jerry disparaissaient ? Lucky Luke ne tirerait plus que sur son ombre ; le Coyote s’ennuierait à coup sûr ; et Tom serait désormais aussi drôle qu’a été brillant le discours de réception du Nobel par Annie Ernaux…
Amis chasseurs, nous ne sommes pas des victimes – refusons catégoriquement de participer à l’instrumentalisation éhontée de cette notion ! –, mais assurément les cibles privilégiées de tireurs idéologiques qui seraient bien en peine de nous voir disparaître, tant nous leur sommes, répétons-le, utiles. Et c’est, quant à nous, la leçon que nous aimerions retirer de cette énième (et très grossière) tentative d’annihiler notre passion : qu’il s’agisse de ces députés précisément, ou de certains élus de nos villes, les écologistes français ont, décidément, grand besoin des chasseurs… pour faire oublier leurs égarements !