Se dirige-t-on vers une liste ‘‘Ruralité’’ aux prochaines élections européennes de 2024 ? « Rien n’est arrêté, mais… » a répondu Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC). Son leitmotiv, aidé en cela par le lobbyste Thierry Coste (qui vient tout juste de mettre la dernière main à son ouvrage sur le sujet, qui paraîtra le 12 octobre chez Plon), est de rassembler les acteurs de la ruralité, bien au-delà des chasseurs, car « tout le monde nous a oubliés et nous n’avons personne pour défendre nos intérêts au Parlement européen », qu’il s’agisse du monde de la pêche, de l’élevage, des producteurs de foie gras… En creux, cette liste veut défendre la fameuse ‘‘France périphérique’’ chère à Christophe Guilluy, et qui se sent rejetée par la vision urbaine des grandes agglomérations. Qui sera tête de liste ? Willy Schraen n’a donné aucun nom, tout en assurant que les chasseurs ne représenteraient pas plus de 10 % de ladite liste. Il a assuré également qu’elle ne serait en aucun cas le ‘‘ramasse-miette’’ d’Emmanuel Macron, ‘‘grattant’’ ici ou là des voix aux LR, au RN, à Reconquête ! (si liste il y a)… Pour Willy Schraen, il y a bien un espace politique à prendre.

Sur l’opportunité d’une telle liste, rappelons ce que nous a déclaré il y a quelques mois Jérôme Fourquet, le directeur du département Opinions et Stratégies à l’Ifop et l’un des meilleurs connaisseurs du monde politique : « Pour réussir aujourd’hui à faire exister une liste de ce type, hors partis traditionnels et établis, plusieurs conditions sont nécessaires, car l’espace politique est très étroit ». D’abord, il est impératif, a-t-il expliqué, qu’une personnalité « accroche l’écran » : « C’est ce qu’on peut appeler un ‘‘produit d’appel’’, comme Jean Saint-Josse ou, dernièrement, Jean Lassalle, qui ont été capables de mobiliser leur électorat traditionnel et celui qui peut graviter autour ». Ensuite, pour pouvoir rassembler « un peu des 60 % des Français qui s’abstiennent pour ce genre de scrutin, il faut de vrais adversaires, des ‘‘chiffons rouges’’. Jean Saint-Josse avait réussi à fédérer un certain nombre d’électeurs contre les directives européennes, et contre Dominique Voynet, ministre de l’Environnement de 1997 à 2001, qui s’était mis les chasseurs à dos avec le mercredi sans chasse, mais aussi les agriculteurs ». Et de poursuivre : « Aujourd’hui, Willy Schraen pourrait sans doute tenter de mobiliser contre la technocratie européenne, contre l’écologie woke, c’est-à-dire, a contrario, de défendre non seulement la chasse, car c’est insuffisant, mais aussi un mode et un art de vivre, mêlant tout à la fois la défense du barbecue, du foie gras, de la corrida, etc., tout en dénonçant la désertification des campagnes, le mépris de la ‘‘France périphérique’’ par la France ‘‘d’en haut’’… La difficulté, c’est que ce terrain-là est occupé par le Rassemblement National, par Reconquête ! d’Éric Zemmour, par une partie des LR… D’autre part, Willy Schraen est-il prêt à tenir un discours – disons – presque populiste ? C’est ce qu’avait assumé en son temps Jean Saint-Josse. En outre, le monde fédéral sera-t-il rassemblé comme un seul homme derrière lui, comme il l’avait été en 1999 derrière Jean Saint-Josse ? Ses troupes comprendront-elles que leur président se lance dans l’aventure, alors même qu’il a fait un bout de chemin avec Emmanuel Macron et qu’il a appelé à voter pour lui aux dernières élections ? Il y a, in fine, un risque indéniable, si la liste fait un mauvais score, que le monde de la chasse soit marginalisé et, peut-être aussi, divisé ».