C’est une question lancinante depuis plusieurs saisons : va-t-on vers une interdiction pure et simple de la chasse de la perdrix grise en Belgique ? Jusqu’à présent, sa chasse est particulièrement encadrée : ainsi, les lâchers ne sont pas autorisés dès un mois avant l’ouverture (une mesure, disons-le tout net, guère respectée par nombre de chasseurs, absence de contrôles oblige). Mais le gouvernement belge veut visiblement aller plus loin. Il considère avec raison que la perdrix grise, gibier emblématique de nos grandes plaines céréalières, est une espèce en danger. Les raisons en sont connues depuis longtemps : utilisation des produits phytosanitaires qui ont détruit les insectes, nourriture de base des perdreaux, remembrement agricole qui a provoqué une augmentation plus que déraisonnable du parcellaire, réduisant de fait les fameux effets de lisière, donc des possibilités de reproduction, piégeage limité par la loi… Aujourd’hui, l’État belge veut réserver la chasse de la perdrix à ceux qui gèrent réellement leurs territoires (agrainage, type d’assolements…), et à ceux-là seulement sera délivré un plan de tir. Un projet qui inquiète les associations de chasseurs de petit gibier, aussi bien du côté wallon que flamand, car s’il paraît plein de bon sens, expliquent-elles en substance, il peut, à court terme, décourager ceux qui veulent sauvegarder la perdrix grise (soit à partir de souches naturelles, soit par repeuplement…). Pour autant, comme pour la France d’ailleurs, le projet ne mérite-t-il pas réflexion ?
Préserver la perdrix grise va bien au-delà de la seule question de sa chasse : comme la truite pour les rivières, elle est un indicateur de biodiversité. Or, sa préservation dépend en grande partie des efforts des chasseurs (piégeage, agrainage…) et d’un retour d’habitats favorables à la petite faune sauvage (qui profite à bien d’autres espèces d’ailleurs), donc, de fait, de ceux qui maîtrisent le foncier : les agriculteurs. Et pas grand-chose n’est fait pour les inciter financièrement à remettre en cause une agriculture productiviste… À terme, il n’y aurait rien de pire que d’interdire la chasse de la grise. En effet, s’ils n’ont plus l’espoir de pou-voir la chasser (ne serait-ce que quelques oiseaux par saison), il y a fort à parier que les chasseurs abandonneront tout effort de gestion. Or, à part eux, qui peut s’occuper avec passion de la perdrix grise ?