On ne sort jamais indemne de l’Afrique, qui happe, dès les premiers instants, par tous les bouts et tous les sens ses victimes consentantes. Comme tant de broussards avant lui, ce n’est pas Michel Coatmellec qui arguera du contraire, marqué à jamais par ce continent qu’il a arpenté pendant un demi-siècle. Il nous offre là un livre de bonne facture, même s’il n’échappe pas à quelques longueurs. Rien ne prédestinait pourtant ce Breton pur sucre à affronter la brousse et la forêt équatoriale, si ce n’est la passion de la chasse et de l’aventure. Engagé comme mécanicien dans l’armée de l’Air, tout bascule lorsqu’il est affecté à Pointe Noire, au Congo, à la fin de la guerre d’Algérie. Il découvre ce continent et son exceptionnelle faune. C’est le premier safari au Gabon, le premier buffle, le premier éléphant… « J’étais atteint d’un mal incurable : la passion de la grande chasse et de l’Afrique ». Il sera affecté au Tchad. Il chasse au Cameroun (où il se perdra dans la forêt !), puis découvre la Centrafrique, à une époque où c’était encore un paradis. L’Afrique toujours, lorsqu’il basculera dans l’aviation civile. Ce sera encore le Cameroun, le Rwanda, de nouveau la Centrafrique (une dernière fois, avant qu’elle ne sombre dans la guerre civile et le grand braconnage), de nouveau le Tchad (qui n’est plus le même, rongé par la guerre), le Bénin… L’Afrique ne le quittant pas, Michel Coatmellec décide de monter son organisation de safari, avec une volonté qui force l’admiration (notamment pour ouvrir des pistes…), avec son lot de joies et d’avanies. Ce sont toujours et encore des histoires d’Africains, de
serpents, de pistes à creuser, d’ornières, de pistes impraticables, des centaines de kilomètres parcourus, des accidents, un lion irascible, des palabres perdus au milieu de la forêt, des pistages hors du commun grâce à des pisteurs qui ne le sont pas moins… Ça sent le vrai, le vécu. S’il fallait retenir deux leçons de ce long récit (près de 400 pages), c’est que la grande chasse est l’une des composantes de la préservation de la faune, et que « la richesse d’un safari ne se mesure pas obligatoirement à la longueur des cornes du buffle ou au poids des défenses qu’on a obtenues, mais plutôt aux moments forts qu’on a pu y vivre ».
Montbel, 395 pages, 38 €.