Voilà un livre qui est une véritable respiration. On pourra nous rétorquer, avec raison, qu’il n’est à aucun moment question de cynégétique stricto sensu. Certes. Il n’empêche, la chasse, son art de vivre et son mode de vie auraient pu y figurer en bonne place, tant les réflexions et les digressions que Thomas Morales nous livre ne peuvent que nous toucher. La nostalgie – c’est de cela qu’il est question et qu’il distingue de la réaction – n’est et ne peut nous être étrangère ; elle est même, à bien des égards, essentielle, une arme pour lutter contre la bêtise ambiante, contre un monde que l’on veut faire disparaître, contre cette société de transparence qui veut faire table rase du passé. Sa nostalgie à lui, c’est celle du film de Sautet Les Choses de la vie (ce chef-d’œuvre avec Michel Piccoli et Romy Schneider), d’une SM Maserati ou d’un week-end dans le vignoble sancerrois, « une France qui pouvait écouter Michel Delpech et lire Alphonse Boudard, qui renaissait à l’approche de Roland- Garros et n’avait pas oublié ses racines paysannes ». On voyage avec la plume gourmande de Tillinac et son « sentimentalisme pluvieux », dans cette campagne « silencieuse, isolée, méconnue et secrète, où l’on se love comme un veau sous la mère ». Il se met à rêver de cette province délaissée par les élites. Plus encore, il prend « le risque de panthéoniser [sa] province, [sa] départements ruraux… le fromage de tête, la littérature désengagée… le cinéma qui divertit contre celui qui instrumentalise, la chanson à texte et non à prétexte, la blague et l’absolu ». On saute d’une 4L à Bernard Blier, d’un Solex à Michel Audiard, du Tour de France à Belmondo. Oui, « Monsieur Nostalgie » (un clin d’oeil à Tillinac) est une respiration, un hymne à la liberté, une reconnaissance de la différence (contre l’uniformisation), dans un improbable mélange des genres. « Je veux juste témoigner de la beauté de mon pays. » Il y réussit fort bien. Chez Thomas Morales, la nostalgie est un refuge, contre une « modernité vaine et absconde », avait-il dit un jour. D’une certaine manière, la chasse aussi.

Héliopoles, 190 pages, 17 €.