S'il est un mot qui continue de susciter bien des phantasmes, c’est celui de braconnage. Que faut-il entendre par ce terme, sachant qu’il n’apparaît pas tel quel dans le code de l’Environnement, mais est défini par telle ou telle infraction (chasse sur terrain d’autrui, à l’aide de moyens et d’engins prohibés…) ? Selon les statistiques établies par la gendarmerie et l’Office français de la biodiversité (qui coiffe désormais la police de la chasse et de la pêche, depuis la fusion entre l’ONCFS et l’AFB), il y a environ 1500 procès-verbaux, dont 82 sont des délits, qui relèvent de la seule police de la chasse pour l’année 2021. Ces délits touchent en premier lieu la chasse de nuit (32 infractions), puis le trafic d’espèces protégées (11 infractions).

Est-ce en augmentation ? Loïc Obled, directeur général délégué Police, Connaissance, Expertise de l’OFB, répond par la négative, tout en expliquant qu’au fil des années, les faits de braconnage ont « évolué ». D’abord, il y a ceux liés au braconnage ‘‘traditionnel’’, à la Raboliot (chasse sur terrain d’autrui, non-respect des horaires, tir de gibier en l’absence de plan de chasse…), puis ceux liés au braconnage opéré par, notamment, les gens du voyage, qui ‘‘chassent’’ sans permis sur terrain d’autrui (par exemple, en faisant des battues de lièvres avant l’ouverture, ou en pêchant les fameuses civelles, l’alevin de l’anguille…). Sans négliger le fait qu’il y a toujours des filières parfaitement rôdées sur le braconnage des grands animaux (avec chambres froides, préparation de la viande sous vide, prix imbattables), notamment en Sologne et dans l’Est de la France. La plus notable et inquiétante évolution depuis une vingtaine d’années concerne le trafic d’espèces protégées, qu’il s’agisse de la civelle, précédemment citée, des passereaux (comme le chardonneret), directement lié au trafic en bandes organisées, autrement dit au grand banditisme. « C’est bien simple, souligne Loïc Obled, les criminels pèsent toujours en matière de trafic entre le risque encouru et le gain espéré. Or, avec le trafic d’espèces, le risque est minimum et le gain maximum ».

On le devine : ce n’est un secret pour personne que, comme beaucoup de corps d’État, se pose, pour l’OFB, une question de moyens face à une multitude de missions (chasse, pêche, eau, surveillance des espaces naturels) avec environ 1700 agents (soit une quinzaine par département). Et ce d’autant plus que les campagnes françaises sont moins bien surveillées depuis la disparition progressive des gardes privés, des gardes-champêtres
et des gardes-forestiers. D’après nos informations, compte-tenu du manque d’effectifs et des priorités du gouvernement, l’OFB a dû réorienter certaines
de ses priorités. Ce qui compte dorénavant, c’est moins la lutte contre le braconnage ‘‘à la Raboliot’’ que la lutte en faveur de la sécurité, en faveur des espèces qui concernent des enjeux environnementaux (notamment les migrateurs) et la préservation des milieux…

Si cette tendance se confirme, on peut regretter que les pouvoirs publics, qui parlent de biodiversité à tout bout de champ, n’y mettent pas davantage de moyens, car lutter contre le braconnage dit classique et contre la destruction des milieux, c’est aller dans le même sens : une préservation intelligente de la faune sauvage.