La chasse ne peut pas se défendre avec efficacité si elle refuse d’emblée toute forme d’autocritique. Telle est la ligne que nous suivons depuis plus de vingt ans dans nos colonnes. La question posée par Michel Gauthier-Clerc, vétérinaire de son état, mérite à ce titre d’être examinée : les chasseurs ont-ils tué la chasse ? Si l’on voulait être substantiel, il serait permis de demander à l’auteur les raisons qui l’ont poussé à user du mode interrogatif, quand l’ensemble de son ouvrage tend à affirmer que les chasseurs ont, en effet, tué la chasse. Certes, Michel Gauthier-Clerc met à juste raison le doigt sur un certain nombre d’erreurs commises par les représentants de la chasse depuis plusieurs décennies, relevant également les lacunes conceptuelles dont souffre la légitimité de notre passion à l’aube du XXIe siècle : ainsi lorsqu’il évoque une « communication des plus hauts leaders de la chasse positionnée politiquement, victimisante et très agressive vis-à-vis des réformistes de la chasse », qu’il rappelle que la chasse est d’abord un « plaisir » avant que d’être un moyen de réguler les espèces par exemple, et que nous avons le devoir d’expliquer ce point fondamental au profane, ou lorsqu’il souligne la part de responsabilité qui incombe aux chasseurs relativement à l’explosion des populations de sangliers dans beaucoup de régions (omettant tout de même qu’ils ne sont pas l’unique cause du phénomène)… Cependant, et c’est là une vraie pierre d’achoppement, le livre laisse le sentiment d’être un brûlot contre les instances cynégétiques, particulièrement la FNC actuelle, ne sombrant jamais ni dans l’insulte ni dans l’anathème mais fonctionnant par non-dits ou approximations : à en croire Michel Gauthier-Clerc, le lobbying issu du monde de la chasse n’aurait pas d’équivalent dans notre pays, nombre de politiques seraient ‘‘aux ordres’’ des cynégètes, les chasseurs seraient incapables d’évoluer, leurs apports à la « science » seraient systématiquement biaisés par une sorte de « conflit d’intérêt » indépassable, etc. Pas une fois ne sont abordées, de façon critique, les méthodes par lesquelles les « associations de protection de la nature » s’imposent dans le débat public et s’ingénient, justement, à confisquer le discours scientifique. « Aucune des grandes associations de protection de la nature impliquées dans les problématiques de la chasse – Aspas, France Nature Environnement, Humanité et biodiversité, LPO – ne demande l’arrêt de la chasse, mais seulement des réformes », écrit-il. Des réformes qui, mises bout à bout, la videraient assurément de toute substance. Nous voilà soulagés…
Delachaux et Niestlé, 288 pages, 19,90 €.