Les engrillagements : c’est une question qui déchire le monde cynégétique depuis des années et qui, sauf contre-temps de dernière minute (en politique, tout est possible !), est en passe d’être tranchée. En effet, à l’heure où nous mettons sous presse, le Sénat doit ratifier, le 6 décembre, une proposition de loi exigeant, d’ici le 1er janvier 2027 (c’est une ratification car le texte a été discuté et adopté en commission, après avoir été voté par l’Assemblée nationale), d’enlever certains grillages postérieurs à 1992. Cette proposition émane du président du groupe Chasse et Pêche du Sénat, Jean-Noël Cardoux, sénateur du Loiret et chasseur passionné. Souvenons-nous. Depuis maintenant une dizaine d’années, de nombreux propriétaires – principalement en Sologne, mais aussi en Normandie – ont entouré leurs domaines de clôtures de plus de 1,80 mètre de haut, sans aucune possibilité pour les grands animaux de les franchir (dans certains cas, les clôtures ont même été dotées d’un système permettant aux animaux d’entrer, mais non de sortir !).
À l’origine de ce mouvement : l’exaspération de ces propriétaires de constater une violation fréquente, pour ne pas dire incessante, du droit de
propriété par des promeneurs en tout genre (à commencer par les ramasseurs de champignons), qui considèrent que la nature appartient à tout le monde et que leurs ‘‘droits’’ seraient supérieurs à ceux des propriétaires ou locataires légitimes, provoquant, de fait, un dérangement permanent des grands animaux, une perturbation les jours de chasse (avec un danger pour la sécurité), et une dégradation de l’environnement… Résultat : des dizaines de kilomètres de clôtures ont été érigées, en toute légalité, précisons-le, transformant parfois les lieux en véritables camps retranchés.
Une situation qui n’a pas manqué de faire réagir les milieux cynégétique, environnemental et politique. Pour eux, ces grillages sont une atteinte écologique (les grands animaux ne pouvant plus circuler, le nécessaire brassage génétique ne peut plus s’effectuer, sans compter que le piétinement continu de ces mêmes animaux finit par détruire la flore au sol) et une aberration cynégétique (car tirer des cervidés et des sangliers dans des enclos, même de 600 hectares, tend, en supprimant l’aléa, à artificialiser la chasse). Bref, une affaire complexe, qui touche à la fois la biodiversité, la chasse, l’éthique, le droit de propriété…
C’est donc ainsi qu’une proposition de loi a vu le jour et a été adoptée en janvier 2022 au Sénat, à l’initiative de Jean-Noël Cardoux, et qui doit être définitivement votée par l’Assemblée dans les semaines qui viennent. Sont prévues dans ce texte : l’obligation d’enlever les grillages supérieurs à 1,20 mètre et postérieurs à 1992 (soit trente ans, en référence à la prescription
trentenaire) d’ici le 1er janvier 2027 ; des exceptions, comme les clôtures à moins de 150 mètres d’une habitation, et les parcs d’entraînement, de concours de chiens de chasse… Signalons que les grillages inférieurs à 1,20 mètre, laissant un passage pour le gibier en bas, sont toujours autorisés. « L’idée générale, souligne Jean-Noël Cardoux, est que le droit de propriété doit respecter le droit de l’environnement, qui commence par la libre circulation de la faune sauvage ».
On le devine : les spécificités de la chasse en enclos tombent (les domaines concernés – y compris ceux antérieurs à 1992 – seront donc soumis aux périodes et aux plans de chasse, aux conditions de droit commun pour l’agrainage…). D’autre part, cette loi n’a de sens que si les sanctions de la violation du droit de propriété sont concrètement appliquées : il est
en effet prévu que pour une meilleure proportionnalité au regard de l’infraction ladite sanction passe d’une contravention de 5e classe
(1500 euros maximum) à une contravention de 4e classe (750 euros maximum). C’est sans doute la pierre d’achoppement de ce texte, car il ne faudrait pas que la fin des clôtures soit comprise comme la fin du droit de propriété, comme un ‘‘appel d’air’’ pour certains utilisateurs de la nature : non, la nature n’appartient pas à tout le monde…