Affirmons-le d’emblée : il n’est pas un mot de cet ouvrage auquel nous ne souscrivions – en tant que chasseur, en tant que Français et en tant qu’homme. Avec force érudition, courage et clairvoyance, Bérénice Levet pose en quelque 200 pages la question que nous autres cynégètes – notamment – aurions dû imposer depuis longtemps au cœur du débat public : de quoi l’écologie politique est-elle aujourd’hui le nom, en particulier sous nos latitudes ? Réponse, forcément substantielle : celui d’un nouveau totalitarisme qui, faisant fi des douloureuses leçons du XXe siècle en la matière, se donne pour but ultime de discréditer puis de mettre en pièces les fondements mêmes de l’Occident pour faire éclore, sur leurs ruines, une ‘‘humanité’’ et un monde absolument neufs, constitués d’êtres indifférenciés, intégrés au magma du ‘‘Vivant’’ et de l’indistinction culturelle, allergiques aussi bien à l’idée de frontière – sous toutes ses formes – qu’à celle du moindre enracinement. Cette écologie, en effet, qui a récemment transformé plusieurs villes de France en « laboratoires de transition », qui abhorre par principe passé et mémoire, qui appauvrit le français au profit d’une novlangue percluse d’idéologie, qui fait du ‘‘citoyen’’ une matière inerte à modeler à sa guise, qui méprise le terroir et prétend libérer la déesse « Terre », qui n’aime rien tant que l’interdiction et la coercition, qui se sert de la nature comme d’un « alibi pour mieux anéantir la culture », etc., ne peut et ne doit pas être examinée en dehors du champ de la déconstruction qui affecte ou pollue toutes nos représentations : « La nature, les bêtes, les femmes, les minorités sont toutes et chacune victimes de l’homme occidental. Féministes, indigénistes, décoloniaux, associations LGBT et écologistes communient dans le Grand récit de l’intersectionnalité ; celui d’un Occident regardé et présenté comme une vaste fabrique de victimes… »

Docteur en philosophie, dotée d’une plume incisive et limpide, Bérénice Levet fait dialoguer entre elles les grandes intelligences de la pensée, des Lettres, de la politique et des arts pour que nul n’ignore plus les dangers inhérents à ces vertes dérives – proposant, en fin de volume, une « autre écologie », laquelle, loin d’ambitionner de mettre à mort l’Occident, puiserait au contraire en lui le moyen de rétablir le lien brisé entre nature et culture, et prendrait à cette fin appui sur « les dispositions humaines » fondamentales que sont « le besoin de stabilité […], le besoin et le sens de la continuité historique, l’attachement à un lieu, à sa beauté, la vertu de la fidélité », à mille coudées de l’individu terne, vide et malléable que les tenants du wokisme appellent tous de leurs vœux. Faire l’économie d’une telle lecture, c’est passer à côté de l’une des plus importantes publications de ces dernières années sur « l’ivresse de la table rase » indissociable de l’écologie contemporaine.

L’Observatoire, 224 pages, 19 €.