Après son remarqué La Cour de France et ses animaux paru en 2016, Joan Pieragnoli nous livre cette fois une magnifique fresque de Versailles au siècle des Lumières. S’appuyant sur une solide documentation, souvent inédite, il instruit la vie curiale de 1723 (mort du Régent) jusqu’à la fin de la monarchie, en 1793. Son originalité est de décrire cette époque à travers le
prisme d’une étude zoologique détaillée qui lui permet d’aborder un grand nombre de thèmes : la chasse, la ménagerie royale, les animaux de compagnie, les basses-cours, les bergeries et l’architecture des écuries et des chenils. Dans cette vaste étude, on s’aperçoit que certains animaux sont bien traités, d’autres moins, que certains sont logés dans des bâtiments aussi grandioses et prestigieux que peu fonctionnels, inadaptés, comme les chevaux dans les Grandes et les Petites écuries. D’autres, à rebours, bénéficient de locaux beaucoup plus confortables. En ce grand
siècle des animaux, les chevaux et les meutes, acteurs de la grande vénerie, sont des symboles ostensibles du pouvoir royal. En fait, dès le début du règne de Louis XV, la mentalité change : l’étiquette grandiose et permanente voulue par Louis XIV n’est plus à la mode. Le roi et la cour recherchent une existence confortable et intime. Les animaux de compagnie participent à cette quête qui marque profondément le siècle ; les plus prisés sont les épagneuls, les lévriers, les barbets, mais aussi les petits singes et les perroquets. Par contraste avec les animaux de service, les animaux familiers vivent dans un luxe que l’on pourrait qualifier de tapageur. L’auteur explique comment émerge ce fameux « art de vivre » à la française que toute l’Europe va imiter. Nous tenons là un livre passionnant, mais nous ne partageons pas sa thèse – anachronique et simpliste – selon laquelle ce foisonnement d’animaux et les dépenses qui s’y rattachaient furent l’une des causes de la chute de la monarchie.
Édition de l’Université de Bruxelles, 295 pages, 27 €.