S’il y a des chiffres attendus avec passion, quand ce n’est pas avec une certaine déraison, ce sont sans conteste ceux du loup sur le territoire français. Et ceux qui ont été publiés, comme tous les ans, dans le courant de l'été par l’Office français de la biodiversité, sur les populations à la sortie de l’hiver de l’animal aux yeux de braise, ont enflammé une fois encore les esprits. Rappelons que ce sont les seuls chiffres fiables dont nous disposions, établis par un organisme d’État, à partir d’enquêtes, de relevés d’indices et d’analyses génétiques (à l’aide d’un réseau de plus de 3000 personnes). Les derniers chiffres montreraient une quasi-stabilisation de la population, soit 1104 animaux (ils étaient 1096 un an plus tôt). Ces données sont à manier avec la plus grande prudence, car, comme par le passé, ce chiffre de 1104 va être affiné et il y a de fortes chances qu’au bout du compte le nombre de loups soit en hausse. On l’aura compris : il est bien trop tôt pour juger si cette stabilisation est une tendance durable. Rappelons, en effet, que le loup n’a et n’aura jamais le taux de reproduction d’un lapin ou d’un sanglier. Il reste un animal sauvage qui obéit aux lois de son espèce, entre son taux de reproduction et sa hiérarchie sociale particulière, pyramidale (au sein d’une meute, seul le couple dit Alpha a le droit de se reproduire, et pas les loups dits subalternes).
Autre donnée qui ne manque pas de susciter des questions : le nombre de meutes, qui serait passé de 135 à 157, alors même, nous venons de le voir, que la population se serait stabilisée. Est-ce dû à un éclatement des meutes, imputable aux tirs autorisés (169 en 2022), avec pour conséquence la constitution de nouvelles meutes, mais moins nombreuses ? « Là encore, souligne l’OFB, ce ne sont que des hypothèses, car il faut rester très prudent. »
Comment en est-on arrivé là ? Si l’on part du nombre de meutes de 157, il y aurait donc au minimum 314 animaux à la sortie de l’hiver. En tenant compte de 7 loups par meute, ce chiffre est porté à 1099 animaux. À rebours, si le nombre d’animaux par meute passe de 7 à 5, l’écart est de plus de 300 animaux ! Rappelons également que les chiffres qui viennent d’être rendus publics ne tiennent évidemment pas compte de la reproduction intervenue au cours du printemps.
Avec une hypothèse de cinq louveteaux par meute (sachant que toutes les meutes ne se reproduisent pas), on atteindrait donc 785 ‘‘nouveaux’’ loups rien que pour cette année, soit un total de 1884. La réalité est à nuancer. En effet, il faudrait d’abord tenir compte de la mortalité chez les jeunes (50 % jusqu’à un an, soit 392 animaux), chez les adultes (10 %, soit 110 animaux), soit, au total, plus de 500 animaux. Il faut également tenir compte des sujets qui quittent la meute, et que l’on retrouve ici et là dans nombre de départements. Combien sont-ils ? Sans doute entre 100 et 200, mais, là aussi, le taux de mortalité frise les 50 %, soit 70-75 sujets (car les chances de survie d’un animal erratique sont faibles). Quoiqu’il en soit, les chiffres sont à manier avec précaution, qui plus est pendant le printemps et l’automne, saisons les plus instables pour estimer les populations de loups, entre la reproduction, les nouvelles meutes et les tirs. Signalons que, dans la mortalité adulte, sont compris les animaux tirés dans le cadre des tirs autorisés. Ils ont été 169 en 2022, représentant un peu moins de 20 % de la population, un pourcentage conséquent. Les autorisations de tir sont de 209 pour 2023. Rappelons qu’en Espagne jusqu’en 2021 (année à partir de laquelle le plan de chasse loup a été interdit), le nombre de ‘‘bracelets’’ loup n’était que d’une centaine, soit 5 % de la population estimée.
Quant aux attaques, comme l’an dernier, il semblerait qu’elles soient stables, notamment dans les zones historiques, avec un total de 2377 (2944 fin mai 2022), qui ont fait plus de 12 000 victimes. Il semblerait qu’il y ait une stabilité, voire une baisse, dans les zones dites ‘‘historiques’’ (arc alpin), et une augmentation dans les zones d’installation (Nouvelle-Aquitaine notamment). Une relative stabilité à mettre au compte, sans doute, d’un certain nombre de facteurs comme les tirs et les mesures de protection (gardiennage, parcs de regroupement, chiens patous…).