Jim Harrison nous a quittés le 26 mars 2016. Cet écrivain pour le moins prolixe nous a laissé, de son vivant, plus d’une quarantaine de livres, une vingtaine de scénarios, des centaines d’articles de presse, sans parler de tous ses poèmes. Depuis sa disparition, de nombreux textes, inédits pour la plupart, sont venus nourrir les amoureux de cet écrivain hors-norme. La Recherche de l’authentique, préfacé par son ami et fidèle traducteur Brice Matthieussent, est une compilation d’articles de presse jamais parus en France. On retrouve les thèmes favoris du « grizzly du Montana » : les femmes, la littérature, la poésie, la pêche, la chasse, les régions sauvages américaines, la défense de la faune et de la flore… À l’image de son auteur, l’ensemble respire la truculence. Truculence, notamment, lorsqu’il évoque les critiques littéraires par exemple (ils « sont volontiers sédentaires. Il est de notoriété publique qu’ils finissent par divorcer lorsque leurs épouses ne sont plus capables de les porter du bureau jusqu’à la table de la salle à manger ») ou quand il raille le sectarisme de certains pêcheurs (« les pêcheurs puristes sont d’incomparables casse-pieds. Ils voient le monde avec des œillères, comme les fanatiques des régimes alimentaires, les grands fumeurs d’herbe, les fondus de tennis, les écolos qui vous obligent à ingérer leur récente récolte de pousses de luzerne blanchies dans l’eau bouillante »). Cette plume parfois corrosive, mais jamais méchante s’enflamme quand il est question du monde animal et des activités qui en découlent : « Les rituels de la chasse et de la pêche, comme ceux de la cueillette, sont des archétypes inscrits dans notre sang ».
On partage avec lui ses souvenirs de pêche à la truite (« Lorsqu’on voit émerger ces nageoires dans l’eau bleu cobalt, on sent sa respiration se bloquer dans sa cage thoracique »), sa quête presque ‘‘religieuse’’ de la gélinotte, « la truite des bois », son aversion (totalement justifiée !) des serpents à sonnette (« Je suis en général un écolo pur jus, mais […] je considère les serpents à sonnette comme des terroristes et je les traite en tant que tels »). Jim Harrison nous narre, avec cette simplicité d’un homme qui aime « manger un steak et boire trop de whisky », de multiples épisodes d’une vie foisonnante entre une création littéraire gargantuesque et la nature qu’il aimait plus que tout. On lit ce livre comme on déguste un bon vin, avec respect et gourmandise. Un livre drôle et poétique, où la beauté côtoie la gauloiserie. Nul étonnement alors si l’un des rêves de Big Jim était de pêcher à la mouche dans la Seine !
Flammarion, 432 pages, 22 €.