Le ‘‘Nontron’’ est un petit couteau pliant en buis, pyrogravé de dessins mystérieux. Il est le plus vieux couteau français encore fabriqué et, pourtant, il est parfois méconnu…

La petite ville de Dordogne qui a donné son nom à ce couteau est un endroit propice au travail du métal depuis la nuit des temps. En effet, le lieu regorge de ressources : il y a du minerai de fer – la nontronite – déjà exploité par les Gaulois qui installèrent là les premières forges ; la rivière Le Bandiat, qui arrose la Dordogne et dont les eaux froides sont indispensables à la trempe de l’acier ; d’abondantes forêts et de beaux massifs de buis qui vont donner leur bois de prédilection aux manches des couteaux de Nontron.

On retrouve des traces de fabrication d’objets tranchants dans la région nontronnaise bien avant, mais c’est au XVIIe siècle que se développe la coutellerie avec Guillaume Legrand, maître coutelier de la paroisse Saint-Eustache, à Paris, qui se marie avec une dame de Nontron et s’y installe. Au cours du siècle suivant, ce secteur se développe dans le Périgord, et l’on y compte jusqu’à 35 coutelleries. En 1914, il n’en reste que deux, les familles Bernard et Petit, qui marqueront l’histoire du Nontron en fabriquant, à la demande du ministère de la Guerre, un couteau à cran d’arrêt pour les Poilus des tranchées (le CAP, encore disponible aujourd’hui).

En 1931, la coutellerie Nontronnaise, seule survivante, est rachetée par Alphonse Chaperon ; plus tard, son fils Gérard la dirigera durant 40 ans.

La Forge de Laguiole acquiert l’entreprise en 1992, et décide d’en préserver l’identité en gardant la production locale. Le Nontron garde son âme mais va aussi bénéficier d’un œil neuf : celui des grands designers.

Quant à l’offre, une large gamme de couteaux pliants est proposée, en bois de buis, d’ébène ou de noyer : des modèles classiques comme le Violon, le Sabot ou le Boule, et des lignes plus modernes, avec le Libellule ou le Grand-Duc, dont les V répétés sur le manche en buis dessinent le plumage de l’oiseau.

L’un des derniers-nés, le Double Virole, qui mêle noyer, buis et aluminium, est très élégant : c’est l’un de mes préférés. Difficile de résister aux petits couteaux d’office, dont les manchesen buis, doux et ronds, viennent se lover dans la main. On trouve aussi chez Nontron le plus joli couteau à pain, une lancette à huîtres pour les amoureux de coquillages, un couteau à fromage dessiné par le designer Christian Ghion, un couteau de découpe pour viande et volaille… Tous ces objets ont le charme de l’ancien, tout en restant très actuels.

J’aime à dire que les dessins si caractéristiques sur les manches des couteaux de Nontron sont inspirés de la Préhistoire, si présente en Dordogne. On peut y voir, selon l’orientation du manche, tantôt une bête à corne ou un calice, tantôt un bonhomme avec de grandes jambes, une chapelle ou une cavité surmontée de trois étoiles…

La coutellerie Nontronnaise, si chère à nos cœurs, est labellisée Entreprise du patrimoine vivant.

Coutellerie Kindal. Rens. : 23 bis, rue de Constantinople, 75008 Paris

Tel : 01 42 61 70 78
www.kindal.fr

Connaissez-vous ?
Le couteau d'Hemingway

Ernest Hemingway était client de la coutellerie Kindal, lorsque celle-ci était installée à la mythique adresse du 33 avenue de l’Opéra, à Paris. Comme la boutique avait deux entrées, il aimait la traverser selon qu’il se rendait au Ritz, place Vendôme, ou au Harry’s Bar, rue Daunou.

Chasseur et amoureux des belles lames, Hemingway laissait parfois ses couteaux en révision à la boutique. C’est ainsi que, bien des années après la mort de l’écrivain, ma grand-mère, May Kindal, retrouva dans le fond d’un tiroir un couteau pliant étiqueté à son nom. L’objet est en bois de cerf et ivoire ; le manche mesure entre 13 et 14 cm ; il possède une grande lame, une scie, un décapsuleur ouvre-boîtes et, bien sûr, un tire-bouchon. Le culot en ivoire avait été ajouté à la demande d’Hemingway pour couvrir les fentes dans le bois de cerf où se logeaient régulièrement tabac et autres poussières de ses fonds de poches. May demanda à son ami Jacques Mongin de reproduire le couteau. Sa réalisation fut à la hauteur de l’original, et ce couteau devint une exclusivité de la célèbre coutellerie parisienne. Depuis, le couteau Hemingway est estampillé Mongin et signé Kindal.