Au tout début du mois de janvier, la Fédération Nationale des chasseurs a adressé, aux quelque 600 000 élus de notre République, un petit fascicule intitulé La Chasse, cœur de biodiversité, dans le but, comme le précise Willy Schraen en introduction, de « présenter ce qui définit la globalité de la chasse française, et [de] faire voir combien celle-ci se mêle à l'histoire de notre société actuelle, mais reste surtout un vrai socle d'actions directement mêlées à la sauvegarde de la biodiversité. » Au sein de cet outil de communication, force chiffres sont mentionnés, qui tous cherchent à souligner le rôle essentiel de la chasse au cœur des territoires ruraux, en faveur de la sauvegarde des écosystèmes (forêts, zones humides…), d’un point de vue économique, d’un point de vue sanitaire, sous l’angle de la connaissance de la nature, relativement à la préservation de la « biodiversité ordinaire », etc. En somme, le document quantifie – avec une certaine efficacité – l’apport des chasseurs à notre pays, chasseurs conçus comme « acteurs bénévoles pour des missions de service public et d'intérêt général », selon un concept cher à Willy Schraen. De façon judicieuse, à la fin du fascicule, les auteurs ont consacré deux pages – hélas très brèves – à l’inscription culturelle de la chasse en France (littérature, peinture, gastronomie, etc.).
En tout état de cause, la lecture de ce « manifeste » suscite en nous des sentiments partagés : sa dimension ‘‘comptable’’ peut, à certains égards, être utile afin de justifier pour un temps la présence des chasseurs au sein de nos campagnes – on se demande en effet au terme du document ce que celles-ci deviendraient sans eux ! Néanmoins, comment imaginer que cette compilation de chiffres sera capable de légitimer sur le long terme le fait même de chasser ? Ne prenons-nous pas ainsi le risque de réduire la chasse à son utilité pure aux yeux de nos élus, en confondant, précisément, la justification pratique de notre passion et sa légitimité culturelle, sinon philosophique ? Peut-être est-ce aujourd’hui la véritable question car, au-delà des missions qui incombent à la chasse – et qui pourraient parfaitement ne plus lui incomber à l’avenir, nous l’oublions trop souvent –, se pose d’abord la nécessité de définir ce qui fait sa singularité au sein des modes de vie humains, cette singularité étant, si nous parvenons à l’établir, l’unique garant de sa pérennité.