Surnommées l’or vert, les forêts conservent toute leur place dans le patrimoine des Français. L’expert forestier Philippe Gourmain, président du cabinet Rousselin Gourmain, livre son éclairage.

◆ Comment investir aujourd’hui dans la forêt et optimiser sa fiscalité ?

Compte tenu de l’étroitesse du marché, investir en forêt aujourd’hui suppose de la persévérance et de la réactivité. Le marché qui nous intéresse, c’est-à-dire celui des forêts de production de plus de 100 ha, représente 15 000 à 20 000 ha par an. Il s’agit donc d’un micromarché ultra
compétitif, avec des prix qui restent très soutenus. Pour réussir à acquérir un massif dans ces conditions, il faut s’entourer de professionnels qui, par leurs réseaux, peuvent remonter des informations très en amont des dossiers. Il faut aussi accepter de sortir des ‘‘chemins’’ battus et explorer des régions qui n’étaient pas dans le cahier des charges d’origine. La fiscalité en forêt n’a pas changé et reste favorable aux investissements par des personnes physiques. On voit cependant se développer des acquisitions réalisées directement par des holdings soumises à l’impôt sur les sociétés. Elles ne bénéficient pas des abattements réservés aux personnes physiques (75 % de réduction de l’assiette soumise à l’IFI, idem pour les droits de donation/succession, imposition des revenus sur une base forfaitaire). En revanche, acquérir par une holding qui dispose de fonds importants permet d’éviter des remontées de dividendes vers les personnes physiques et la fiscalité qui va avec. Sur cette question fiscale, il faut aussi se faire accompagner car les enjeux sont rapidement très lourds…

◆ Observez-vous une montée en puissance des acquéreurs étrangers ? Si oui, de quelles nationalités et quelles sont les régions plébiscitées ?

Non, nous ne sommes pas sollicités par des acheteurs étrangers qui s’intéresseraient spécifiquement aux forêts. Certes, nos voisins belges sont de grands connaisseurs et d’avisés investisseurs dans les forêts françaises mais cet appétit n’est pas nouveau. L’intérêt des acheteurs étrangers pour le foncier forestier est davantage porté sur des propriétés d’agrément avec un joli bâti que sur les forêts de production.

◆ Dans quels cas recommandez-vous aux particuliers de céder des parcelles forestières ?

Les Français sont globalement attachés à leur forêt. C’est surtout le contexte familial ou des arbitrages patrimoniaux qui conduisent à la mise en vente de parcelles forestières ou de massifs. Se retrouver dans un groupement familial avec vingt, trente associés familiaux voire davantage, répartis sur deux ou trois générations n’est pas forcément très confortable. C’est encore pire dans les indivisions, qui peuvent très vite se bloquer faute d’accord sur la gestion. Il faut alors se poser très sérieusement la question de l’intérêt de transmettre cette situation parfois conflictuelle et sans issue à la génération suivante. Organiser la sortie, donc la vente, dans une période assez faste pour les ventes de forêt est certainement la meilleure décision à prendre actuellement.

◆ Comment évoluent les prix en France par rapport à nos voisins européens ?

Le foncier forestier reste très abordable en France. À qualité équivalente, les prix sont au moins deux fois supérieurs en Belgique ou en Écosse. Malgré l’intérêt pour les achats de forêts, pratiquement aucun investisseur français, particulier ou institutionnel, n’a franchi la frontière. Surtout pour ces questions de prix. Si l’on souhaite bénéficier de conditions plus avantageuses, il faut aller plus loin, jusqu’en Roumanie, par exemple. Dans ce pays, les prix ont certes évolué fortement en quelques années, mais ils restent abordables. ◆