Le Cercle anglais de Pau a eu l’excellente idée de publier une rétrospective des œuvres de Harry La Montagne. Pourtant, qui se souvient aujourd’hui de cette grande figure paloise de l’entre-deux-guerres, si ce n’est, peut-être, le milieu des courses ? Ses couleurs ont remporté le grand Prix de Pau en 1924, avec Goliath. Elles ont trôné longtemps, parmi les autres vainqueurs de cette course prestigieuse, dans la salle des balances de l’hippodrome. Ce gentleman, grand propriétaire, vétéran de la Grande Guerre et sportsman, fut aussi un peintre plein d’humour et de bienveillance qui a croqué au jour le jour la société de son temps. Il fut l’un de ces Américains fortunés qui, imitant les Anglais, venaient, du 25 octobre au 15 avril, en villégiature dans la capitale béarnaise, pour profiter pleinement du célèbre microclimat qui règne en cette saison au pied des Pyrénées. Ils occupaient, avec leurs domestiques, les riches villas du quartier Trespoey, en prolongement du parc de Beaumont. Les Anglais, les premiers, avaient, dès 1830, mis à la mode, dans la région, les grands divertissements de plein air qui font partie de leur ADN, comme le golf, la chasse au renard et les courses de chevaux. Pau vivait alors à l’heure anglo-saxonne. Observateur d’une période particulièrement brillante, Harry La Montagne serait certainement tombé dans l’oubli si ses dessins et ses albums n’avaient été sauvegardés par une poignée de passionnés. Il peint à la gouache et à l’aquarelle et saisit sur le vif les situations comiques de la vie sportive et mondaine paloise. Son support préféré est le programme du Pau Hunt, équipage de chasse au renard fondé par les Anglais en 1840, ce qui donne, d’une façon infaillible, la date exacte du reportage. Il nous livre toujours celui-ci avec un regard amusé, mais jamais méchant. On y découvre des chutes, des anecdotes, des bons mots inspirés par ‘‘l’instant’’. Puis c’est la série des cavalières vues de dos, des chevaux qui parlent et se moquent, enfin des chiens qui promènent leurs maîtres… Une mention spéciale est réservée à la piquante Odette Dewavrin, sa nymphe, son égérie, dont le rayonnement naturel semble avoir illuminé discrètement son existence. Le tout baigne dans un humour très anglais. Harry La Montagne, témoin délicat d’une époque où la simplicité de la vie était l’autre facette naturelle de l’élégance, était né à New York en 1869. Il y est mort en 1959 dans son appartement du Plazza Hôtel.
Cairn, 96 pages, 25 €.