Le bonheur que nous éprouvons à la chasse est parfois terni par la survenue de phénomènes plus ou moins graves contre lesquels nous devons nous prémunir. Que ce soit en France ou à l’étranger, l’observation de certaines précautions ou attitudes s’impose. Lui-même cynégète passionné, notamment en Afrique, notre ami le docteur Jean-Louis Llombart fait ici un point précis de ce qu’il convient ou non de faire en la matière…
A) Une arme est par définition mortelle.
I) Identification formelle du gibier avant le tir.
T) Un téléphone portable est indispensable.
À cela, il faut ajouter qu’un chasseur en France doit être à jour de ses vaccinations : tétanos, polio, typhoïde, hépatites.
Infarctus du myocarde dû à des efforts trop violents ou inhabituels. Crise d’asthme déclenchée par l’inhalation d’air froid. Crise de colique néphrétique ou hépatique favorisée par les déplacements brutaux. Rétention aigüe d’urine chez le prostatique insuffisamment traité. Crise d’épilepsie chez les sujets connus pour tels. Accident vasculaire cérébral.
Étranglement d’une hernie inguinale préexistante. Hémorragie digestive d’un ulcère gastrique.
Ces urgences médico-chirurgicales imposent une prise en charge immédiate et, survenant à la chasse, elles créent des difficultés propres :
1. Avant toute intervention de secours, le malade ayant pu perdre connaissance ou s’étant affaissé plus ou moins conscient : il faut impérativement vérifier et vider les armes de tous les intervenants. La
manipulation des armes en situation de stress aggrave la dangerosité.
2. Ensuite, et seulement ensuite : Règle des 3R : Reposer, Réchauffer, Rassurer.
Reposer : immobilisation (fracture, vipère, blessure, ou malaise) et position latérale de sécurité si atteinte de la conscience.
Réchauffer : dans tous les cas (vêtements et couverture de survie).
Attention : l’alcool déshydrate et aggrave la sensation de froid. Rassurer : le stress dû à la gravité de la maladie ou de l’accident est accentué par le sentiment d’isolement. En attendant les secours, massage cardiaque et bouche-à-bouche si besoin.
3. La chasse se déroulant ordinairement dans des lieux isolés ou difficiles d’accès : il faut appeler les secours en prenant la précaution d’être le plus précis possible dans la localisation (données GPS) ; appel d’urgence avec un
téléphone portable localisable si besoin.
La prise en charge médicale pure (autre que celle inhérente au simple secourisme) sera d’autant plus efficace que le malade sera rapidement localisé. À l’heure actuelle (France), les Samu peuvent intervenir sur place et conditionnent l’urgence (médecin urgentiste) avant de l’évacuer : ambulance ou hélicoptère.
En dehors des urgences mettant le pronostic vital en jeu, il y a lieu d’appliquer les règles du secourisme et les mesures de prudence dictées par le bon sens.
A) Accidents dus au chasseur
Sur lui-même
• Blessures par les végétaux, en particulier branches dans les yeux : laver l’œil à l’eau, consulter au retour ; gravité négligée d’une plaie de la cornée.
• Blessures par chute : hématomes et autres contusions, voire fractures des membres (montagne), qui imposent immobilisation immédiate et appel des secours.
• Blessures par arme blanche et couteau (servir un cervidé ou sanglier au ferme, ou découpe du gibier) : arrêter l’hémorragie, pansement compressif, avis médical pour suture des plaies ou des tendons (l’un de nos amis a perdu l’usage de son index).
Sur les autres
Les mêmes blessures que celles précédemment décrites auxquelles il faut ajouter :
• Blessures par balle ou cartouche, en particulier en battue : Prévention : respecter impérativement les angles de tir.
Si blessure par balle ou cartouche : désarmer l’arme, appeler immédiatement les secours et localiser le blessé. Les 3 R ; puis panser, éviter les garrots et, si possible, éviter de faire boire en cas de blessure abdominale.
• Blessures autres : chutes des chaises hautes ou miradors, accidents de 4x4 sur les pistes : même conduite à tenir que celles décrites.
Attention au repas de chasse. L’euphorie du succès fêté à grand renfort de boissons alcoolisées ne peut se concevoir qu’en dehors de toute action de chasse future (l’un de mes confrères a reçu du plomb dans sa moustache après un déjeuner arrosé !).
B) Accidents imputables au terrain de chasse
Chutes sur la glace, dans les rivières, enlisement dans les marais : simples règles d’une évidente prudence à appliquer.
Attention : épuisement et froid en montagne. Matériel adapté.
Le mal des montagnes peut survenir dès 2500 mètres ; une seule solution : redescendre.
Risque de submersion en bord de mer. Massage cardiaque et bouche-à-bouche si noyade, après appel des secours. (Personnellement, nous avons subi une entorse du genou en glissant sur un rocher glacé…).
C) Accidents dus aux chiens de chasse
Même conduite à tenir qu’avec les armes ; un chasseur a été tué par la manifestation d’affection de son chien dont la patte a appuyé sur la détente de son arme chargée. En cas de combat de chiens, éviter de laisser traîner sa main : le dominant finit par l’emporter et le combat cesse.
D) Accidents dus au gibier
Charge d’un sanglier : blessures profondes des jambes, voire des cuisses. Traitement des plaies et hémorragies locales. Appel des secours si grave. Blessure par charge d’un cerf (rare) ou par coup de sabot (plus fréquent) : s’assurer de la mort de l’animal avant de l’aborder par derrière.
E) Accidents dus au mode de chasse
Chasseur solitaire
Appliquer avec rigueur les règles élémentaires de prudence. Ne vous improvisez pas médecin : appelez les secours.
Personnellement, au cours de vingt années de chasse à l’approche du chevreuil en solitaire en Lozère, nous avons toujours eu dans notre sac à dos, en plus d’un téléphone mobile : sifflet, allumettes étanches, couverture de survie, pastilles désinfectantes pour l’eau, petite trousse de pansements, vêtement chaud.
Chasseur à courre
Chute de cheval, fractures, traumatisme crânien : conduite médicale classique :
Mise au repos, immobilisation et appel des secours
Blessure par la charge d’un animal au ferme ou à l’hallali : voir blessures dues au gibier.
Chasseur en battue
Toujours contrôler la solidité du mirador sur lequel on va se poster et y grimper avec une arme vide. Principe intangible.
En cas de blessure, les règles de secourisme s’appliquent d’abord ; appel des secours en cas de gravité.
Les ricochets sont une réalité, surtout en hiver, sur le sol gelé. L’un de nos patients a du plomb dans la mâchoire, et un autre a perdu l’usage d’un pouce par section d’un tendon.
Voir traitement des plaies.
F) Les animaux sauvages
Les vipères : morsure authentifiée par deux points distants de 5 à 15 mm.
Surtout rassurer (les 3 R) la victime, en sachant qu’une fois sur deux le serpent mord sans injecter de venin. Enlever bagues et bracelets, chaussures qui serrent.
Désinfecter la plaie comme toute plaie, mettre la victime au repos et immobiliser le membre atteint. Surtout pas de garrot ; aspi venin inutile. Par principe : une surveillance hospitalière est nécessaire dans tous les cas.
Les autres : ragondins, blaireaux, rats musqués, renards peuvent être responsables de morsures. Désinfection soigneuse de la plaie et suivi médical : antibiotiques, selon l’évolution.
G) Les insectes
Les tiques
Inspection du chasseur lors de la douche au retour de la chasse. En cas de tique, l’enlever précautionneusement avec un tire-tique pour éviter de laisser en place la tête de la tique. Éventuellement, par prudence, voir son médecin habituel pour un traitement antibiotique prophylactique : la maladie de Lyme, une fois déclarée, ne se guérit pas ou difficilement.
Les autres insectes
Précautions ordinaires vis-à-vis des araignées, des scorpions, des abeilles, des frelons. Surtout dangereux hors de l’Europe (nous nous souvenons de l’attaque d’un essaim d’abeilles sauvages au Cameroun…).
A) Trois impératifs préliminaires
• Passer par une agence de chasse renommée, seule capable d’avoir des
correspondants fiables sur place.
• Consulter son médecin et son dentiste avant de partir pour : vaccinations, bilan dentaire (une rage de dent gâche un safari), bilan de santé éventuel. Trousse de médicaments standards. (Personnellement, nous prescrivons une liste de médicaments. Sachant ce que le patient emporte avec lui, nous pouvons le conseiller à distance : portable, téléphone satellite ou Internet).
• Payer (quand c’est possible) son séjour de chasse avec une carte de crédit haut de gamme, à cause des assurances médicales qui y sont rattachées : Un rapatriement sanitaire par avion coûte une fortune qu’il faut débourser avant le départ. Sinon, il ne décolle pas : No Pay-No care. On n’est plus en France.
Les frais médicaux doivent être engagés avec l’accord des médecins de l’assurance pour bénéficier de la prise en charge.
B) Deux situations. L’Afrique et le reste du monde
1) Le reste du monde
Tout ce que nous venons d’avancer pour la chasse en France s’applique pour le reste du monde. Les impératifs préliminaires étant supposés respectés, quelques précautions supplémentaires sont envisageables :
• Mal des montagnes en Asie : descente impérative.
• Ophtalmie des neiges : lunettes de soleil indispensables (une brutale ophtalmie des neiges au Kazakhstan nous a contraints à prendre des corticoïdes).
• Stress de l’isolement : angoisse.
• Décalage horaire : troubles du sommeil (nous sommes restés bloqués 48 h dans notre tente au Kamtchatka, parce qu’une tempête de neige empêchait l’hélicoptère de venir nous rechercher).
2) Le grand sujet, l’Afrique
Toutes les précautions et tous les impératifs doivent s’appliquer, parce qu’en Afrique (tant que durera la chasse) le pire n’est jamais loin.
a) Les maladies
Toute fièvre au retour d’un pays d’endémie doit être considérée comme un accès palustre (c’est aussi valable pour d’autres parties du monde).
La prévention du paludisme est intangible : voir son médecin avant le départ.
En Afrique
• On ne mange pas m’importe quoi : la récente épidémie de fièvre Ebola est là pour nous le rappeler (nous sommes une fois rentrés avec une ascaridiose).
• On ne boit pas n’importe où (le mélange des gourdes nous a gratifiés d’une dysenterie amibienne au retour du Cameroun).
• On ne se baigne pas dans les rivières : la bilharziose est une maladie grave et difficile à soigner.
• On respecte les règles d’hygiène ; infection rapide des plaies (sudamina ou bourbouille de nos chevilles à cause de la transpiration au Burkina).
• On ne marche pas pieds nus dans le sable : puce chique ou tungose.
• On se couvre le soir pour éviter les piqûres de moustiques. On n’est pas à la plage, même s’il fait chaud.
b) Les accidents
Toujours possibles et plutôt fréquents. Il faut appliquer en Afrique plus qu’ailleurs toutes les règles énoncées plus haut. On évite de rouler la nuit sur les routes : brigandage toujours possible et multiples accidents de
la circulation très souvent mortels (pas de signalisation, pas de lumière,
conducteurs saouls, etc.). Nous avons vécu au Cameroun la perte de la roue arrière de notre 4x4 en roulant sur la piste ; le mécanicien avait oublié de remettre une goupille. Nous avons aussi été victime en Ouganda d’une plaie de la cornée sur notre 4x4 découvert : c’est extrêmement douloureux. Depuis, nous portons des lunettes protectrices.
c) Le danger en Afrique
À cause des hommes
Ne jamais oublier qu’à l’origine des accidents, il y a toujours une erreur humaine (Cameroun, encore : un fanfaron faisant des photos d’hippopotames a déclenché une charge qui aurait pu nous être fatale). Alors fuyons les fanfarons, les pseudo guides, les tartarins de salon… Seuls les guides professionnels sont habilités à nous faire vivre les émotions de chasse en Afrique avec sûreté, et encore…
Attention : les braconniers ne reculent devant aucun crime ; ne pas jouer les héros.
À cause des animaux dangereux
Pour les serpents, une seule issue : hospitalisation immédiate, le plus vite possible. Chasser le big five, c’est dangereux. C’est une réalité qu’il faut avoir à l’esprit. Il n’y a qu’une seule règle : tirer pour tuer, et non pour ‘‘voir ce que ça va donner’’, car la réaction de l’animal – blessé – peut être d’une extrême dangerosité.
Un dernier point
Isolement, fatigue, stress, chaleur, déshydratation et danger potentiel lié à l’animal chassé favorisent l’émergence chez le chasseur, en Afrique, d’une redoutable maladie : la peur. Nous l’avons côtoyée plusieurs fois, et nous n’avons pas honte de le dire. Pas de traitement. Les inconscients mettent les autres en danger. Les timorés risquent de passer à côté des souvenirs de leur vie. Il y a un équilibre à trouver. Doutons toujours de ceux qui prétendent être allés chasser en Afrique et qui affirment ne jamais avoir eu peur (voir ‘‘Les griffes de la grande chasse’’, Jours de Chasse n°70).