Combien sont-ils en France ? La question déchaîne toujours autant les passions, au-delà, souvent, de toute raison, faisant passer, trop souvent, la
réalité scientifique au deuxième plan. Les chiffres les plus farfelus circulent – certains parlent de plusieurs milliers à la faveur de l’apparition du loup dans de nombreux départements –, les interprétations aussi – tels des lâchers massifs… Or, émotion et impression ne pourront jamais avoir la même force qu’une démonstration scientifique.
Pour tenter d’y voir plus clair, nous ne pouvons, à l’heure actuelle, que nous appuyer sur les seuls chiffres que nous ayons en notre possession, ceux établis une fois par an par l’Office français de la biodiversité, comptages réalisés – rappelons-le – par des équipes d’ingénieurs, à partir d’enquêtes, de relevés d’indices sur le terrain et d’analyses génétiques. Les derniers chiffres, rendus publics mi-juin, font état d’une estimation de population sur le territoire français à la sortie de l’hiver, de 580 loups, soit une progression de 9,4 %, ce qui traduirait un ralentissement de la progression qui était, jusque-là, de 12 %. Ces chiffres sont-ils plausibles, alors même qu’on entend que l’animal aux yeux de braise est partout ? Tout porte à le
croire, même si l’on doit rester extrêmement prudent dans l’analyse des données.
L’affaire est, en effet, bien plus complexe qu’il n’y paraît car, jusqu’à preuve du contraire, le loup n’a pas le taux de reproduction du lapin ! Il reste un animal sauvage, qui obéit aux lois de son espèce, entre son taux de reproduction et sa hiérarchie sociale particulière (au sein d’une meute, seul le couple dit Alpha a le droit de se reproduire). Si l’on part du postulat d’environ 80 meutes - officielles, toutes dans l’arc alpin, chiffre sortie d’hiver -, il y aurait donc au minimum 160 animaux. En tenant compte d’une moyenne de 5 loups par meute (le nombre peut aller de 3 à 14), ce chiffre est porté à 400 animaux. Avec une hypothèse de 5 louveteaux par
meute (sachant que toutes les meutes ne se reproduisent pas), on atteindrait 400 nouveaux loups rien que pour cette année, soit un total de 800 animaux.
Dans les faits, les animaux ne seraient pas 800, mais 540, chiffre qui tient compte de la mortalité chez les jeunes (50 % jusqu’à un an), chez les
adultes (environ 15 %) ; chiffre dans lequel est aussi comprise, pour partie, la mortalité à la suite des tirs autorisés (100 pour l’année 2019, le double de l’année 2018). L’augmentation des tirs légaux expliquerait le ralentissement
de la progression des populations lupines.
À ces chiffres, il faut rajouter les loups qui quittent le meute, et que l’on retrouve ici ou là dans nombre de départements. Ils seraient environ 130, mais là le taux de mortalité friserait les 30 %, soit une petite quarantaine de sujets. Au total, la progression serait bien d’un peu moins de 10 %, soit moins de 600 spécimens.