L’Afrique a cette redoutable force d’ensorceler ses victimes par tous les bouts et tous les sens, du plus grand des écrivains – qu’ils se nomment Karen Blixen, Ernest Hemingway ou Romain Gary – au plus modeste broussard. L’Afrique un jour, l’Afrique toujours… Patrick Guinebertière,
médecin, n’y a pas résisté non plus. Ce sera la Haute-Volta pour son baptême du feu et son premier buffle aperçu (« Il incarne la puissance, la force sauvage »), la Rhodésie (en pleine guerre), les premiers lions, les premiers éléphants, le Congo, le Soudan, le Zimbabwe, la Centrafrique… À chaque fois, l’Afrique est un besoin irrépressible : Guinebertière est devenu un broussard. Il nous fait partager ses pisteurs hors du commun, ses approches épuisantes, en particulier à l’éléphant de forêt (« Des aventures dont il sera plus agréable de se souvenir que de les vivre ») ou à l’éland de Derby (« une ombre filante »), des imprudences, des accidents, des charges (« meurtrières et non d’intimidation »), des rugissements de lions (dont un sept heures de suite !), des rencontres inattendues (comme celle avec un gorille, qui, disent les Africains, « est l’homme malin qui vit en forêt pour ne pas payer d’impôts »), des bivouacs de fortune, la « chaleur à mourir » des bords du Nil, les millions de moustiques, la découverte des tribus Dinkas et Noubas, d’innombrables contretemps (« Tous les Blancs ont une montre, mais ils n’ont jamais le temps »). Il est encore question de l’effroyable problème du braconnage, de la vie des camps de chasse (« Cela va de la 2 CV à la Ferrari »), d’une passionnante réflexion sur le Kenya, toujours et encore des buffles (« Pas de bon safari sans eux »), des nuits africaines, de ce continent à l’équilibre si fragile où la mort rôde, où les habitants vivent entre fatalisme et insouciance… Même épuisé, malade, mais « tellement envoûté », il y retournera. Certes, les esprits chagrins y verront, liront ‘‘du déjà vu’’. Mais a-t-on tout dit sur ce continent ? Afrique, quand tu nous tiens…

Montbel, 419 pages, 38 €.