Osons le dire et le répéter : le comportement de certains chasseurs favorise et entretient le rejet de la chasse. Ceci, nombre de nos détracteurs l’ont compris, qui s’en servent à la moindre occasion. Parmi eux, Pierre Rigaux, étoile montante de la sphère antichasse, et qui a, le 6 janvier dernier, mis en ligne et commenté, pour le média Brut, un florilège de vidéos franchement répugnantes. Qu’y voit-on ? On y voit – sans précision de lieux ni de dates, certes – plusieurs sangliers, visiblement blessés d’une balle, être longuement livrés aux chiens et non moins longuement servis à la dague ou à l’épieu – longuement signifiant ici : avec assez de parcimonie pour que l’animal ne succombe pas trop vite (c’est en tout cas ce que soutient Rigaux, qui joue sur l’accumulation d’extraits pour produire un effet d’écœurement). Des rires et des propos peu appropriés sont clairement audibles durant ces scènes, et, quoique tout nemrod sache que la mise à mort à l’arme blanche d’un grand gibier n’est pas nécessairement le moment le plus exaltant, l’image renvoyée par ces individus au public est celle d’un certain agrément, d’un certain plaisir à faire durer.
Naturellement, il n’en fallait pas davantage à Pierre Rigaux pour illustrer le bien-fondé présumé de ses thèses : « En France, lit-on tandis que les séquences défilent, l’arme blanche est interdite pour la recherche et la poursuite du gibier, mais celle-ci est autorisée pour ‘‘la mise à mort d’un animal aux abois ou mortellement blessé par un tir réussi’’ » ; et Rigaux d’ajouter : « certains chasseurs abusent de cette règlementation en organisant une chasse autour de ça. Au lieu de simplement rechercher un animal blessé par un tir mal ajusté, ils organisent ce qu’ils appellent le ferme, qui consiste à chercher à acculer les sangliers pour pouvoir les tuer à l’arme blanche », précisant qu’ainsi ces chasseurs se livrent à une pratique de ‘‘corps à corps’’ profondément « sadique ». Encore une fois, il ne s’agit pas là pour nous de verser dans l’hypocrisie de la sensiblerie : achever un animal à l’épieu quand c’est nécessaire est parfaitement légitime – et plus promptement est-ce fait, mieux c’est. Il en va du respect de la chasse et du gibier.
Mais ce qui nous interpelle, ce sont les remarques émises par Rigaux au sein de ce ‘‘reportage’’ : d’une part, explique-t-il, « si on organisait la chasse des sangliers autrement, on n’aurait pas ces problèmes » – sous-entendu : il faut confier l’exercice de la régulation à des personnes professionnalisées (demande extrêmement fréquente chez les anti) ; d’autre part, poursuit Rigaux, « le Code pénal en France punit comme un délit le fait d’exercer des sévices ou des actes de cruauté envers les animaux, mais ça concerne seulement les animaux domestiques ou maintenus en captivité. Nous, ce que nous demandons, c’est que ce délit soit élargi à l’ensemble des animaux sauvages, à l’ensemble des animaux dits ‘‘sentients’’ (sic !) – oiseaux, mammifères – pour qu’on ne puisse plus, de façon légale, s’amuser à faire souffrir un animal. » Ce second point, au raisonnement parfaitement cohérent, est fondamental : s’il est interdit de faire souffrir – pour le dire vite – un animal domestique, en vertu de quoi pourrions-nous le tolérer à l’égard d’un animal sauvage ? Toute la question par conséquent est de savoir où le législateur, s’il était amené à intervenir, serait susceptible de fixer le curseur de cette « cruauté » ou de cette « souffrance » infligée… Une question trop rarement soulevée par le monde de la chasse, et sur laquelle nous reviendrons très prochainement car elle pourrait décider de l’avenir de notre passion – et, au premier chef, de celui de la vénerie, laquelle est ici implicitement visée.
Quoi qu’il en soit, même si l’on est en droit de soupçonner que Rigaux en manipule le sens, de telles vidéos sont en elles-mêmes inacceptables (précisons d’ailleurs que, dans la foulée de ce reportage, le naturaliste autoproclamé en a publié d’autres sur son mur Facebook, où l’effet d’accumulation joue à plein). Pourquoi diable filmer ce type de séquences ? Car, aux dires de l’animaliste, celles-ci ont été tournées par les chasseurs eux-mêmes ! De l’art de tendre sottement les verges pour que tous les cynégètes se fassent battre.