Multiplication des risques, flambée des sinistres, inflation des matières premières, hausse des taux... Les assureurs justifient la hausse du montant des primes. Explications.`
Jusqu’où peut aller le pouvoir des assureurs ? Ce n’est pas un sujet économique, mais la question globale que se posent les propriétaires face aux incessantes révélations sur les hausses des primes d’assurance. Les conclusions des associations qui regroupent les directeurs des risques et des assureurs, rendues publiques cet automne, ne font en effet que confirmer la tendance d’une longue période de hausse des tarifs. Pour la cinquième année consécutive, la facture d’assurance des Français va nettement augmenter au cours des prochains renouvellements de contrats. Après
une hausse de 5 % en moyenne l’an dernier, l’augmentation devrait atteindre de 5 à 10 % au cours des prochains mois (+9 % selon France Assureurs). « La base de l’assurance, c’est la mutualisation. S’il y a un déséquilibre entre les ressources et les dépenses chez les assureurs, chez les assurés, des ajustements tarifaires sont donc nécessaires, car les sinistres n’arrivent pas qu’aux autres », rappelle Ghislain de Simencourt, directeur commercial du courtier Diot-Siaci dans le Sud-Ouest, qui ajoute : « On essaie de négocier de moindres hausses que celles qui touchent l’ensemble des primes mais on ne peut pas se permettre de faire du déni d’inflation ».
En cause, la flambée des matières premières, des matériaux de construction et des coûts de réparation, en très forte hausse, jusqu’à 30 % dans certains secteurs. Si bien que l’indice de la Fédération française du bâtiment et l’indice des risques industriels, sur lesquels sont indexés les primes d’assurance, affichent désormais des progressions à deux chiffres sur l’année 2022 (+10 et +11 %). « L’indice de la FFB augmente parce que les matériaux, les sacs de plâtre, les tuiles, les ardoises coûtent de plus en plus cher. De nombreux artisans anticipent de nouvelles hausses pour les prochains mois et disent à leurs clients ne pas pouvoir tenir longtemps leurs devis », constate Dominique de La Fouchardière, dirigeant de SLA, filiale spécialisée en charge des belles demeures et Monuments Historiques au sein du groupe Verspieren, courtier leader dans l’assurance des Monuments Historiques et grandes demeures. Sans compter, depuis la crise sanitaire, la hausse du patrimoine assuré en volumes et en valeurs. L’envie de grand air des Français s’est manifestée par le dynamisme du marché immobilier des résidences secondaires, qui lui-même a entraîné une augmentation des primes. Une maison de campagne ou une propriété en bord de mer étant plus chère à assurer qu’un appartement, le coût des sinistres y est plus élevé et les primes moyennes en sont affectées. Chez Verspieren, le volume des biens à assurer, en particulier les châteaux, continue de progresser fortement. « Les agents immobiliers disent qu’ils n’ont jamais vendu autant de maisons de campagne et de châteaux, et nous, assureurs, recevons chaque semaine de nouvelles demandes d’assurances pour de belles demeures », affirme Dominique de La Fouchardière.
Mais la multiplication des intempéries – en particulier les tempêtes et la grêle en 2021 et 2022 – et des accidents climatiques et incendies mettent à rude épreuve les propriétaires. « C’est devenu un véritable parcours du combattant pour assurer les belles demeures ; plus c’est grand, moins les assureurs en veulent », poursuit le directeur de Verspieren. « Les assurés subissent d’abord les lois de la nature et ensuite les lois du marché. Ces événements ont coûté des millions d’euros aux compagnies d’assurances et de réassurances, et impliquent automatiquement une forte augmentation des contrats d’assurance », ajoute, de son côté, Ghislain de Simencourt. À cela s’ajoutent les réglementations financières, de plus en plus drastiques. Au cours des dernières années, les directives financières se sont durcies, contraignant les banques et les assurances à constituer des réserves prudentielles de plus en plus importantes pour provisionner les futurs sinistres. Et ce pour éviter, dans un contexte de hausse des taux, une nouvelle crise planétaire comme celle des subprimes. Si bien que, depuis deux ans, le principal ratio économique S/P (sinistres sur primes) n’a cessé de se dégrader, obligeant les assureurs à revoir de fond en comble les garanties comprises dans les contrats. « Depuis janvier 2022, la plupart des compagnies excluent, en cas de nouvelle épidémie, les risques liés à la perte d’exploitation des restaurateurs », indique Adrien Charlet, directeur général de GEA Assurances, courtier spécialisé dans l’hôtellerie, la restauration et les belles demeures. « Outre la perte d’exploitation, les garanties Cyber, qui couvrent les risques de piratage informatique et des données personnelles, ont disparu des contrats des professionnels », complète Ghislain de Simencourt, qui précise que, dans les contrats pour particuliers, s’il y a des augmentations de tarifs, il n’y a pas eu, fort heureusement, de modifications des garanties. Mieux : selon lui, après avoir disparu pendant la crise sanitaire, les intercalaires, rédigés par les courtiers, reviennent en force depuis quelques mois, permettant d’intégrer des clauses spécifiques et des annexes personnalisées pour leurs clients.
Les experts que nous avons sollicités insistent sur cette nécessité d’analyser personnellement les dangers encourus. Chaque agent doit apporter une réponse selon la région d’habitation, le bien et son utilisation, pour déterminer les risques supportés par les propriétaires. Avec une attention particulière au risque incendie. Les habitants du département de la Gironde en ont tristement fait les frais l’été dernier. « On ne peut que rappeler l’importance d’être vigilant pour des maisons avec des charpentes en bois, des pièces avec des boiseries, des escaliers en bois… Mal assuré, le sinistre incendie peut conduire à tout perdre », rappelle Adrien Charvet. L’expert,
qui assure pas moins de 1000 châteaux et belles demeures à travers la France, dont de célèbres châteaux comme celui de Vauban, de Courson, de Raray, Villersexel… rappelle que la plupart des compagnies d’assurance couvrent les dommages dans des limites financières fixées dans les contrats, qui ne permettent pas de rembourser 100 % du montant des réparations.
De même, chez Verspieren, Dominique de La Fouchardière souligne que des compagnies d’assurance refusent de couvrir les dommages au-delà de limites financières fixées arbitrairement dans les contrats, et ce pour le mobilier ou l’immobilier. Des montants qui sont le plus souvent très loin
de ceux nécessaires pour entreprendre les travaux, et qui peuvent pousser les propriétaires à vendre leurs biens alors même que celui-ci ne vaut plus grand-chose s’il est sinistré… Le sur mesure est d’autant plus justifié pour les demeures classées Monuments Historiques qu’elles sont soumises à des
règles drastiques en matière de construction et de respect de l’environnement, ce qui contribue à faire monter les factures.
L’assureur doit être capable de bien valoriser non seulement la propriété de son client, c’est-à-dire les murs, mais aussi les meubles et les œuvres d’art, à la valeur réelle mais aussi – surtout – à la valeur de reconstruction. « Bien assurer sa propriété, c’est être bien protégé à la valeur réelle », insiste Adrien Charlet, directeur général de GEA, dont la notoriété repose sur deux axes : la proximité avec ses clients et donc le sur mesure en fonction des besoins de chacun. Il rappelle l’importance de ne pas confondre la valeur vénale et celle de reconstruction, qui peuvent parfois varier du simple ou quintuple ! Exemple, dans un château, la valeur de reconstruction peut
parfois atteindre 5000 euros du mètre carré, alors que la valeur vénale peut se limiter à moins de 1000 euros !
À ce titre, le cabinet Verspieren, qui a été sollicité par les pouvoirs publics après l’incendie de Notre-Dame de Paris, bénéficie d’une réelle expertise en la matière. Son directeur, Dominique de La Fouchardière, prend l’exemple d’un château acheté pour 1 million d’euros qui a coûté le triple à reconstruire après un sinistre majeur. De même, chez GEA, une attention particulière est portée à la valeur réelle de réparation : le cabinet propose des garanties uniques en montant réel et valeur à neuf, sans limitation de sommes de remboursement. « Il n’y a que cela qui puisse apporter une tranquillité totale aux propriétaires. »
Grâce au volume d’affaires apporté aux compagnies Axa, Allianz, Groupama…, GEA réussit à obtenir des tarifs très compétitifs, de 20 % voire 30 % moins élevés que ceux des contrats classiques. Preuve, comme l’écrivait Jiang Zilong, que, « lors d’une tempête, on peut trouver la tranquillité au cœur même du typhon ».
Soixante mille hectares partis en fumée en Gironde l’été dernier. La flambée des incendies depuis juillet 2022 a non seulement constitué un désastre environnemental mais aussi une catastrophe économique, évaluée à une perte de 180 millions d’euros. Elle a rappelé la nécessité de protéger son patrimoine forestier, quels que soient son usage et la nature des peuplements, pour une raison simple : en cas de destruction, la forêt ne bénéficie pas du régime de catastrophe naturelle – les incendies étant d’origine humaine.
Nul n’est censé ignorer la loi, mais rares sont les propriétaires forestiers qui ont pris conscience que l’absence d’assurance spécifique peut conduire à anéantir leur capital. Selon l’Office national des forêts (ONF), seuls environ 8 % des forêts françaises – lesquelles appartiennent pour les trois quarts à des propriétaires privés (pour un total de 12,6 millions d’hectares
sur 17 millions) – sont assurés pour leur reboisement ou pour réparer les dégâts causés aux tiers par leurs arbres (tombés, par exemple, sur une voiture, sur un promeneur). La sylviculture fait partie de la grande famille de l’agriculture, qui elle-même est très faiblement couverte contre les risques climatiques. À peine 30 % des agriculteurs sont assurés.
En cause : le coût élevé des assurances, rapporté aux risques et au rendement des parcelles. « Certains propriétaires, notamment de petites parcelles souvent mal ou non gérées, préfèrent ne pas assurer leurs bois dès lors qu’ils ne procurent pas de revenus réguliers », constate Xavier de La Bretesche, directeur et fondateur du cabinet XLB Assurances (filiale de Finaxi Groupe), leader dans l’assurance forêt en France. « Il n’y a pas de culture de l’exploitation forestière en France, à cause du morcellement des bois et du nombre élevé de petits propriétaires forestiers », affirme de son
côté Ghislain de Simencourt, de Diot SIACI, qui travaille en partenariat avec Groupama et Generali. Seule exception, les sylviculteurs des Landes, qui s’assurent beaucoup plus que la moyenne, car « ils savent, remarque Xavier de La Bretesche, les risques qu’encourent leurs plantations en raison du vent fréquent, du relief très plat et des incendies ».
Historiquement, le marché de l’assurance des forêts est né en 1947 avec la création de la Mutuelle des Sylviculteurs du Sud-Ouest – rachetée par Groupama –, qui a longtemps été leader avant d’être rejointe, après les tempêtes de 1999, par XLB Pacifica (des initiales de Xavier de La Bretesche), puis par Sylvassur, né d’un partenariat avec le cabinet Verspieren. « En tant que pionniers, nous avons développé des contrats clairs, sans franchise, qui reposent sur un principe simple : définir les modalités d’indemnisation des sylviculteurs à l’avance, afin qu’ils n’aient aucune mauvaise surprise », explique Pascal Meyer, directeur général de Groupama Forêts Assurance. Les mentalités évoluent, car les propriétaires commencent à prendre conscience que le bois est un actif qui a de la valeur et qu’il faut donc l’assurer. En fonction de la discussion avec le propriétaire et du type de
peuplements, un montant d’indemnités est défini à l’avance. « Cette trésorerie permettra au propriétaire de repartir à zéro pour nettoyer, reconstituer les peuplements… », souligne Xavier de La Bretesche. Le coût ? À partir de 5/6 euros par hectare pour des feuillus, et 10/15 euros pour des résineux. C’est du sur-mesure. Quant à l’indemnité forfaitaire, il faut compter environ entre 1200 et 1500 euros l’hectare de pins dans les Landes, l’une des régions les moins chères de France, entre 3000 et 4500 euros
l’hectare de Douglas dans le Limousin, et entre 5000 et 8000 euros l’hectare de chêne en région Centre ou en Bourgogne. Le propriétaire peut ajouter à ce coût du reboisement une indemnité complémentaire correspondant à la perte de valeur sur les bois récupérés après un sinistre. Ces bois restent la
propriété des forestiers, qui peuvent les commercialiser après un sinistre. « La commercialisation des bois peut se faire dans des conditions correctes si le feu n’a fait que passer, ou dans les pires conditions de marché, comme après les tempêtes de 1999 où les cours s’étaient effondrés », analyse Pascal Meyer.
Signalons qu’en 2023 l’assurance de forêt va bénéficier, non plus d’une réduction d’impôt sur l’IRPP (Impôt sur le revenu des personnes physiques), mais d’un crédit d’impôt.