L’Obscurantisme vert : tel est le titre du dernier ouvrage d’Yves Roucaute, paru cette année aux édition du Cerf et que nous avions évoqué dans nos colonnes (voir Jours de Chasse n°89). Sous-titré
« La véritable histoire de la condition humaine », le livre est un puissant plaidoyer en faveur d’une « écologie humaniste », fondée sur la science. À l’instar d’autres intellectuels, le philosophe refuse, loin des ‘‘vérités’’ médiatiquement et politiquement établies, de prendre pour argent comptant le discours catastrophiste ambiant. Sa perspective ? La naissance de la Terre, il y a 4,5 milliards d’années… De quoi percevoir autrement la notion ‘‘d’urgence climatique’’, sans nier que des ‘‘changements’’ s’opèrent aujourd’hui… aussi. Ajoutez à cela qu’Yves Roucaute, non chasseur lui-même, fut tôt familier de la chasse par son père… et vous goûterez d’autant l’entretien qu’il nous a accordé.

Lors de la COP 27, Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, a déclaré : « L’humanité a le choix : coopérer ou périr. C’est soit un pacte de solidarité climatique, soit un pacte de suicide collectif ». Que vous inspire ce propos ?

Il est temps, pour les partisans de l’écologie humaniste, fondée sur les sciences et la liberté, de prendre un nouveau permis de chasse, cette fois… contre la nouvelle idéologie totalitaire, drapée de vert. Comme certains socialistes français qui ont troqué Jaurès pour le gauchisme, Antonio Guterres pense qu’il a le choix entre coopérer avec les rouges-verts ou périr faute d’électeurs. Avec ses compères du Giec, il invente donc un réchauffement et des taux de CO2 prétendument jamais vus pour prédire l’apocalypse climatique. Ils utilisent le cache-sexe de l’écologie pour nous culpabiliser en dénonçant productivisme, consumérisme, croissance et le méchant loup capitaliste. Avec l’objectif de prendre le pouvoir et de corseter
nos vies.

Face à la ‘‘pensée météo’’, les faits sont sans appel. Prétendre que la température d’aujourd’hui sur le globe – soit 15°C – est la plus haute jamais vue, cela tient de la myopie idéologique. La Terre a 4,5 milliards d’années, et de 4,5 milliards d’années à 2,5, les températures ont toujours été supérieures à 83°. Hors glaciations, cela continua ensuite. Par exemple, les dinosaures vivaient à 30°C il y a 66 millions d’années, et l’humanité a vécu dans des températures de 29°C dès les premiers hominines, il y a 7 millions d’années. Et le genre Homo dut affronter 17 glaciations, dont 4 monstrueuses, et autant de réchauffements toujours plus importants qu’aujourd’hui. Ainsi, durant la dernière période interglaciaire, l’Éémien, terminée il y a 115 000 ans, les températures étaient de 10°C supérieures à aujourd’hui dans le sud de la France, et les mers de 6 à 9 mètres plus hautes. Et hop ! à la trappe du Giec les hippopotames qui se baignaient
dans la Tamise avant la dernière glaciation ! Et que dire de ces derniers 10 000 ans au cours desquels le Giec promet qu’il n’y a jamais eu de réchauffements spectaculaires et rapides ? Effacés par les experts l’optimum climatique de l’holocène, de -9000 à -5000, celui, violent, en -4200, qui rase la civilisation d’Akkad, la 4e dynastie égyptienne, la civilisation de Liangzhu, et celui du Moyen Âge qui conduit deux colonies vikings à s’installer au Groenland pour y faire brouter leurs animaux tandis qu’on cultive des vignes dans le nord de l’Europe…

Et quid du CO2, dénoncé par les « myopes verts » ?

Non seulement, il n’est pas le principal gaz à effet de serre – c’est la vapeur d’eau, de 60 à 85 % – mais, avec 0,0415 % dans l’air aujourd’hui, soit 415 ‘‘parties par million’’ (ppm), il ne représente aucun danger. Hors glaciations, et même parfois pendant, depuis 541 millions d’années, il a été globalement de 5 à 17 fois supérieur. Les dinosaures vivaient avec des taux de 2000 à 4000 ppm. J’ajoute que ces gaz à effet de serre sont indispensables à la vie, qu’ils arrêtent les rayons gamma et X du soleil et font une couverture chauffante sans laquelle nous mourrions gelés. En plus, c’est une formidable réserve d’énergie que les entreprises innovantes utilisent de plus en plus, soit directement, soit en cassant la molécule.

La science ne nie pas un léger réchauffement depuis 1850, mais seulement qu’il soit exceptionnel. Elle nie aussi qu’il soit continu depuis la révolution industrielle du XVIIIe siècle, puisqu’un fort refroidissement et une montée des glaciers ont eu lieu durant la première moitié du XIXe siècle, en pleine révolution industrielle. Et elle nie que s’il y avait 17° ou 18°C, comme le crient les 36 membres du Giec, cela détruirait la Terre ou l’humanité, car, sinon, ce serait déjà arrivé.

S’il est un système pour expliquer les variations climatiques, ce n’est pas le prétendu écosystème terrestre mais le système solaire, dont la Terre est un élément. Et elle varie, avec son axe de rotation et l’angle de son orbite en relation avec le soleil, ses rayonnements, ses vents, ses champs, la lune, les météorites, mais aussi son noyau et son manteau, déterminants pour expliquer réchauffements et glaciations, séismes, éruptions volcaniques,
cyclones, et… météo du jour. La règle n’est pas la farce du ‘‘dérèglement’’, mais la variation.

Certains prônent pourtant la décroissance…

Arrêter la croissance serait suicidaire. Songez qu’avant l’arrivée de l’humanité, il y a 7 millions d’années, 99 % des vivants ont été exterminés. Songez que tous les hominines ont été exterminés, tous les Paranthropes, tous les Australopithèques. Sur les 22 espèces du genre Homo, toutes l’ont été, sauf une, la nôtre. L’humanité d’abord : c’est cela le point de vue de la vraie écologie – du mot oïkos, maison, et non planète. Car la maison, c’est ce qui a été construit par l’humanité contre la planète, pour se protéger du froid, du chaud, de la pluie, du vent ; pas pour l’idolâtrer. La Bible dit qu’il faut dominer la nature et assujettir ce qui s’y trouve ; on peut n’être pas croyant, l’histoire et le présent montrent que c’est le point de vue de la sagesse.

Comment expliquez-vous le développement du catastrophisme écologique, qui prend des dimensions que l’on n’aurait sans doute pas soupçonnées il y a quinze ou vingt ans ?

Cette idéologie totalitaire s’est développée après l’effondrement du mur de Berlin. Le camp de la liberté a baissé sa garde, croyant que le goût pour la démocratie libérale l’avait définitivement emporté. Il suffit de voir le recyclage des forces obscures rouges en vert pour constater l’illusion. Et nous avons cru qu’il suffisait de montrer la supériorité matérielle des pays
libres pour convaincre la jeunesse. Certes, 36 % de la population étaient en sous-alimentation en 1970 ; 8,9 % en 2021 ; 42,7 % vivaient avec moins de 1,9 $ par jour en 1981, moins de 8 % aujourd’hui. Et cela alors qu’on est passé de 3,7 milliards d’habitants en 1972 à 7,85 milliards. Mais l’humanité ne vit pas que de pain et de jeux. Elle a besoin de spiritualité. Et la jeunesse de mission. Dès lors, une grande partie a été emportée dans l’abîme obscurantiste.

Votre père était chasseur. Le suiviez-vous, et auriez-vous pu, vous-même, le devenir ?

Oui, mon père adorait la chasse, et il a écrit un livre sur la chasse et un sur les chiens de chasse. Je le suivais quand j’étais enfant – ne le dites à personne (rires) : j’ai tué mon premier lièvre à 9 ans, et j’ai braconné avec lui bien avant ! J’avais du mal à me lever, mais c’était un formidable plaisir de voir l’aube, de sentir la terre et les bois, de se promener. Mon père me faisait découvrir les plantes et la vie des animaux, ce qu’il fallait protéger ou non, avec le souci du bien de l’agriculteur, car il aimait ces paysans dont il parlait toujours avec admiration, sans doute parce qu’il avait été berger avant d’être un dirigeant de la résistance. J’aurais pu continuer mais j’ai été pris par la passion d’écrire, d’étudier la philosophie des sciences et la logique mathématique, et de défendre partout dans le monde les droits de l’Homme, ce qui me laisse peu de temps entre ma famille, les amis.

N’y a-t-il pas, derrière l’opposition contemporaine à la chasse, une volonté plus globale de faire table rase ?

Oui, du passé ils veulent faire table rase. Les obscurantistes chassent… la puissance de la France et notre mode de vie. Ils sabotent la puissance jusqu’à menacer de disparition notre industrie automobile, et nous mettre en situation de dépendance énergétique après avoir fait fermer des centrales nucléaires et financé de dispendieuses éoliennes ni plus durables, ni plus renouvelables que les moulins à vent. Ils sapent les fondements de notre mode de vie à la française, joyeux et sucré, sur lequel j’ai d’ailleurs écrit un livre : Pourquoi la France survivra. Tour de France, interdiction à Lyon de la demi-finale de la coupe du monde de Rugby, clim, voitures individuelles, voyages en avion, barbecue, etc. Ils chassent tout ce qui procure du plaisir, de la joie et renvoie à notre culture ancestrale. Ils veulent un homme nouveau qu’ils contrôleraient au nom de la planète.

La traque de la chasse est symptomatique. Elle a été, avec la pêche et la cueillette, un moyen de survie avant les sédentarisations et elle reste un moyen de protéger le monde rural et de réguler les flux animaux. Car il est idéologique de croire que les animaux sauvages vivraient en harmonie entre eux et avec nous. Des tigres aux bactéries, les animaux traquent et tuent les humains depuis des millénaires. Par la chasse, les obscurantistes visent notre mode de vie et la nature humaine. Car la chasse prouve, par sa seule existence, que nous ne sommes pas un élément dans la chaîne du vivant équivalent aux autres vivants, comme les obscurantistes verts le prétendent pour justifier leur idéologie totalitaire, mais une espèce exceptionnelle, triplement créatrice : envers notre environnement, notre corps et nos semblables par l’invention des civilisations. Comme je le démontre dans la dernière partie du livre, beaucoup de science nous ramène à la conscience et la vraie moralité met l’individu et sa créativité au centre de la Cité. C’est aussi la raison fondamentale pour laquelle je soutiens la chasse.

La beauté des paysages ou le fascinant foisonnement des expressions du vivant ne sont, à notre connaissance, pas abordés dans votre ouvrage. Est-ce un parti pris ?

Je ne suis pas insensible au charme des chemins sous la pluie et aux chants de certains oiseaux. Mais je raconte dans le livre mon expérience des Indiens Yanomamis sur le bord de l’Orénoque, en Amazonie, à une époque où je me croyais une vocation d’anthropologue. J’ai aussi vu un foisonnement du vivant avec fourmis légionnaires, araignées errantes, caïmans noirs, piranhas, jaguars, moustiques porteurs de malaria, etc. Et
je raconte aussi quelques expériences comme mon passage au Bengladesh, en 1974, lors des inondations qui nous firent pleurer à la vue des enfants mourants. Parfois, au lieu du sublime, j’ai eu dans la nature le sentiment de l’horrible et plus de peines que de joies.

Cela dit, j’ai aussi aimé la nature qu’avec mon père je rencontrais. Mais c’était une nature contrôlée, par des gardes forestiers par exemple. Humanisée, rendue vivable, on lui avait ôté les éléments les plus dangereux. Et on y allait avec des habits et des armes, car nul ne va nu au milieu des broussailles pour conter fleurette à une laie qui charge (rires) ! On y allait aussi pour la réguler afin d’éviter que, par exemple, des animaux ne détruisent les territoires ruraux ou qu’une espèce n’en vienne à faire disparaître les autres. Donc, rien de bien naturel dans ce rapport à la nature, pas plus que la terrine que nous partagions avec mon père sur le chemin. Il me semble que c’est parce que nous sommes protégés, à l’abri, comme lorsque nous regardons un orage à travers une vitre, que nous pouvons apprécier le sublime de la nature, jusque dans sa violence. Et que, peut-être inconsciemment, nous éprouvons, comme le chasseur qui a abattu un fauve, le plaisir d’avoir pu affronter la nature.

Appliquée à la chasse, la notion de tradition est rédhibitoire. Quels conseils donneriez-vous aux chasseurs à cet égard ?

L’erreur est de laisser croire que la tradition serait opposée à la novation et l’humanisme. Tradition signifie transmission, du latin traditio ; elle concerne les valeurs, pas des comportements. Or, aucune avancée dans l’histoire ne se peut sans s’appuyer sur le passé. Einstein ou Max Planck ont toujours dit ce qu’ils devaient à Newton et à la tradition depuis Aristote, comme la façon de mettre la table en France renvoie au Moyen Âge. Seul l’esprit totalitaire croit pouvoir du passé faire table rase.

La vie des civilisations est celle des traditions roulées comme des galets par la mer. Si la chasse a survécu, en France, dans les républiques, c’est, outre la défense de la ruralité et le contrôle de la biosphère, parce qu’elle a cette particularité d’être démocratique et de montrer l’exceptionnalité humaine. De l’acte de chasser à cette façon humaine de communier devant certaines particularités naturelles, de les appeler ‘‘belles’’ même, de respecter ses compagnons et de partager le gibier, la chasse porte tout à la fois l’histoire de France et ses valeurs humanistes. Car je vois dans la besace du chasseur plus que du gibier : la liberté à l’œuvre, l’égalité des droits et la fraternité. Or, c’est bien cela que détestent les petits bonshommes verts : ces valeurs dont pourtant l’avenir a besoin.