L’affaire, riche d’enseignement, a été relatée par le Figaro en janvier dernier. Depuis les années 1980, le canton du Valais fait tirer, à des fins de régulation, de vieux bouquetins mâles (plus de 11 ans) que les autorités ont, de toute façon, l’intention d’éliminer – pour entretenir, notamment, le bon état de santé de l’espèce. 300 à 400 individus y font ainsi, annuellement, l’objet d’une autorisation de tir. ‘‘Problème’’ : ces tirs sont proposés, moyennant une taxe pouvant avoisiner les 18 000 euros, à de «riches étrangers » prêts à débourser une somme rondelette pour approcher ce bel animal, réintroduit au début du XXe siècle dans les Alpes suisses. Or, un récent documentaire diffusé sur la chaîne RTS au sujet de cette pratique a suscité l’indignation, à telle enseigne qu’une pétition a été lancée « pour que les Valaisans montrent qu’ils sont contre cette chasse honteuse », laquelle consiste à « chercher des animaux à tuer pour poser en photo et ramener leurs têtes, cornes… chez [soi] », selon le texte publié sur Internet. Mais en quoi cette chasse est-elle « honteuse » ou, comme l’affirment certaines associations, très discutable éthiquement ? Est-ce parce que des chasseurs paient… pour chasser ? Est-ce parce que l’État du Valais, bénéficiaire des taxes, profite ainsi de ce que d’aucuns considèren comme un ‘‘crime’’ ? Ou est-ce parce que les signataires de cette pétition estiment – argument de plus en plus répandu chez les antichasses – que, si la régulation est nécessaire (et encore n’en sont-ils pas tous convaincus), cela doit être confié à des professionnels, formés et payés par l’État, comme c’est le cas dans le canton de Genève, non à des chasseurs ? Le contribuable mettrait la main à la poche, tandis que les autorités perdraient une source de revenu – de ‘‘l’argent sale’’ – non négligeable, et qu’enfin le plaisir de chasser serait éradiqué, laissant place à une gestion froidement administrative de l’abattage, semblable à ce que Jean Berton avait décrit dans Chasseurs ou fonctionnaires de la mort (Versicolor, 2012)… La leçon de cette affaire, c’est que le monde cynégétique doit prendre conscience du fait que ses détracteurs n’hésitent plus à soutenir que tout est préférable à la ‘‘chasse loisir’’ – envisagée comme pure jouissance de tuer –, y compris le fonctionnariat de la mort, qui substitue la comptabilité à l’éthique et légalise les méthodes du braconnage en lieu et place des contraintes que le nemrod s’impose lorsqu’il chasse, par respect pour le gibier. La différence entre ces deux ‘‘modes de prélèvement’’ est abyssale : à nous d’en faire la démonstration auprès du grand public, qui juge, trop souvent, que ‘‘le résultat est le même’’. A défaut, la notion même de gibier disparaîtra, et les bouquetins et autres animaux ne seront plus rien que des cibles réservées à des tueurs à gages, assassins stipendiés.