Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec cet ouvrage l’Américain Michael
Shellenberger a jeté un gros pavé dans la mare de l’écologie apocalyptique ! Sous-titré ‘‘Pourquoi la fin du monde n’est pas pour demain’’, le livre, extrêmement documenté, démonte un à un les raisonnements de la mouvance catastrophiste, qu’il s’agisse du ‘‘changement climatique’’, de la montée des océans dont certains médias ont fait un dogme, de la production d’énergie ou de nourriture, de la fameuse ‘‘sixième extinction’’, des menaces qui pèsent sur la survie de l’humanité, etc. – soutenant invariablement l’idée que c’est, non pas de la terreur et de la décroissance que des options ou solutions viables pourront naître, mais, au contraire, de
la croissance économique et du développement technologique, particulièrement dans les pays que l’on qualifie de ‘‘pauvres’’. Écologiste de longue date, expert sollicité récemment par le GIEC, fondateur d’une ONG de sauvegarde de la nature, l’auteur, qui collabore depuis deux décennies au New York Times et au Washington Post notamment, part du principe, pour le dire d’un mot, qu’une écologie réaliste et efficace ne peut s’imposer que si elle intègre d’emblée dans ses paramètres le souci de l’humain. « Je crois, écrit-il en conclusion, que l’humanisme environnemental finira par
triompher de l’écologie apocalyptique parce que la grande majorité des individus sur notre planète veut à la fois la prospérité et la nature, et pas la
nature sans la prospérité ». Une thèse qui, on l’imagine, fait grincer quelques dents – et pas uniquement celles de Greta Thunberg ou des effondristes d’Extinction Rebellion –, mais une thèse dont, dans notre pays, les chantres de l’écologie punitive seraient bien inspirés de prendre connaissance car elle replace la science et la responsabilité au cœur de l’action, et non une « heuristique de la peur », selon le concept de Hans Jonas, qui a aujourd’hui pour effet de paralyser ou, à l’inverse, d’aveugler nombre de nos contemporains (bravo d’ailleurs à L’Artilleur d’avoir rendu ce texte accessible au lecteur francophone, agrémenté d’une remarquable
préface signée Pascal Bruckner, dont Le Fanatisme de l’Apocalypse, paru en 2011, est toujours brûlant d’actualité). S’il y avait cependant un bémol à formuler, il serait le suivant : examinant avec force pertinence les problèmes posés par la cohabitation homme/faune sauvage, singulièrement
sur le sol africain, et abordant, par conséquent, les méthodes et techniques politiques déployées pour y assurer la préservation des espèces animales, Shellenberger n’évoque pas un instant le rôle central joué par la pratique de la grande chasse, d’un point de vue économique et écologique. Étant donné le pragmatisme et le courage dont il fait preuve à d’autres égards, gageons que cela viendra bientôt…

L’Artilleur, 528 pages, 23 €.