À quelques semaines des élections présidentielles, un accident mortel a jeté un peu plus le discrédit sur le monde de la chasse. D’après ce que l’on sait, et sous réserve des conclusions définitives de l’enquête de gendarmerie, une promeneuse a été tuée par le tir d’une chasseresse de 17 ans, tir intervenu au cours d’une battue de sangliers sur la commune de Cassaniouze, dans le Cantal. L’auteur présumé du tir a été mis en examen pour « homicide involontaire » et placé sous contrôle judiciaire avec « interdiction de détenir ou porter une arme ».

Au-delà de l’émotion légitime suscitée par ce drame, au-delà des déclarations des antichasse notoires (qui réclament la fermeture de la chasse les week-ends et les vacances scolaires), au-delà des approximations volontaires ou non entendues sur les ondes (comme de déplorer que l’on puisse chasser tous les jours en France, alors que, dans nombre de départements, la chasse est fermée deux jours par semaine !), cet accident mortel pose, une fois encore, la question de l’aspect global de la sécurité, de la cohabitation entre les ‘‘usagers de la nature’’, quels que soient les territoires (ruraux ou péri-urbains), et de la chasse des grands animaux.

À cet égard, il faut revenir un instant, même si elle a été rendue publique avec retard, sur l’étude complète et fort instructive sur les accidents de chasse lors de la saison 2020-2021. Certes, le nombre total d’accidents est en baisse (de 136 à 80 ; ils étaient 232 en 1999-2000), mais cela est peu significatif dans la mesure où une partie non négligeable de la saison de chasse avait été tronquée en raison du confinement lié à l’épidémie de Covid-19. Quant aux accidents mortels, ils sont passés de 11 à 7, une tendance baissière puisqu’ils s’élevaient à 39 lors de la saison 1999-2000 (à l’heure où nous écrivons ces lignes, ils seraient au nombre de 8 pour la saison qui vient de s’achever). Cette forte diminution est à mettre au compte d’une meilleure formation des chasseurs, des chefs de ligne et des directeurs de battue. Une baisse qui laisse toujours un sentiment d’inachevé lorsqu’on examine les circonstances précises des accidents. À l’origine, toujours des erreurs humaines, à une quasi-égalité entre battue de grand gibier, pour non-respect des consignes de sécurité (angle de tir de 30°, mauvaise identification), et chasse au petit gibier (dont 3 auto-accidents !)… En regardant cette fois sur plusieurs saisons, c’est à une large majorité lors d’une chasse en battue de sangliers que surviennent les accidents mortels.

Cette typologie d’accidents se retrouve également dans ceux qui n’ont pas été mortels. On notera tout d’abord que 40 accidents (sur 136) ont donné lieu à plus de dix jours d’ITT (Interruption temporaire de travail), et qu'ils interviennent là encore lors des battues de grands animaux (notons que seuls 5 % des accidents concernent des ricochets) ; les responsables des tirs
sont pour 68 % des postés au sol et 6 % des postés sur mirador.

Tout aussi instructif est l’étude non plus sur les accidents mais sur les incidents (c’est-à-dire sans blessure corporelle) : ils affichent une baisse (107 à 92) qui peut s’expliquer par le moindre temps de chasse lié au confinement. Parmi ces incidents, 52 concernent des tirs vers des habitations, 26 vers des véhicules et 16 contre des animaux domestiques. Lorsqu’on met ces faits bout à bout, on peut comprendre que les chasseurs aient une image déplorable. Ces détenteurs de permis, comme pour les chauffards, ne méritent pas d’indulgence. Une fois encore, rappelons qu’à la chasse nous devons être ridicules de prudence. Il n’en demeure pas moins que, face à cette grave question, le monde cynégétique doit proposer des mesures concrètes. Doit-on réfléchir à un permis pour le petit gibier et un permis pour les grands animaux ? Doit-on imposer des formations obligatoires pour les détenteurs d’armes rayées ? Doit-on imposer cette même formation aux acquéreurs d’armes de ce type ? Doit-on imposer aux organisateurs de battues de mettre sur mirador ceux qui chassent avec une arme rayée ? Doit-on imposer le tir au plomb pour le chevreuil ? Doit-on revenir dans certains lieux au tir de la chevrotine pour le sanglier ? Le monde cynégétique doit répondre sans tarder, car c’est l’avenir de la chasse qui est en jeu.