Pour les rares personnes qui auraient des doutes sur le fait que la Chine dégage toujours une force incommensurable, impénétrable, insaisissable, en un mot que l’empire du Milieu reste envers et contre tout un autre monde, elles doivent lire l’ouvrage de l’Anglais H. Frank Wallace (1881-1962), que vient de rééditer Montbel. C’est d’ailleurs la troisième édition après celle anglaise – parue en 1913 – et celle française – parue en 1939 chez Payot. Le titre est assez trompeur. Bien sûr, il est question de chasse tout au long du livre, qu’il s’agisse de celle du takin doré, du mouflon du Gansu, du cerf du même lieu : pouvait-il en être autrement puisque Wallace – qui a vécu longtemps dans les Highlands – a parcouru le monde à la recherche des gibiers les plus rares pour le compte du British Museum (artiste animalier de bonne facture, il en tirera de nombreux dessins et croquis) ? En forçant à peine le trait, l’intérêt du livre est ailleurs ; c’est en fait un récit unique sur la Chine des profondeurs, là où l’étranger n’allait pas (sauf quelques missionnaires). De ces centaines de kilomètres parcourues, quasiment de Shanghai à Omsk, en Russie, au milieu d’une révolution qui s’agitait de plus en plus fort (elle renversa le régime impérial, ce qui l’obligea à écourter son périple), le lecteur retiendra l’extrême difficulté de circulation, l’immensité, la nature à l’état brut, le confort spartiate, des us et coutumes fort éloignés des nôtres (faisant écrire à Wallace des propos lapidaires sur les populations chinoises, qui lui vaudraient une mise aux arrêts immédiate de nos jours)… « La Chine d'aujourd'hui ne prend son sens que si on la met en perspective avec la Chine d'hier », écrivait Alain Peyrefitte dans son célèbre Quand la Chine s’éveillera. À la lumière de la Chine actuelle, l’ouvrage de Wallace prend encore plus de force.

Montbel, 278 pages, 25 €.