Étant donné le degré de régression auquel nous sommes parvenus, précisons que ce récit nous fait l’effet d’un conte pour adulte ou public très averti, et qu’il devrait, selon nous, arborer le bandeau suivant : esprit dénué de sens critique ou trop nourri au bon lait de Bambi, s’abstenir ! L’auteur – 36 ans aujourd’hui, naturaliste, photo-graphe animalier et « immerseur écologique (sic) » – nous raconte ici comment, sept ans durant, il a vécu parmi les chevreuils dans une forêt de l’Eure, avec un équipement plus que sommaire, se nourrissant pour l’essentiel de végétaux, et se laissant progressivement « apprivoisé » par certains de ces cervidés jusqu’à les considérer comme sa « vraie famille » – tel le Jacques Mayol du Grand Bleu avec ses célèbres dauphins. Enfant puis adolescent puis jeune adulte très introverti, il prend à l’âge de 20 ans la décision de s’installer auprès de ses « frères », répondant ainsi à « l’Appel de la forêt », après avoir rencontré un spécimen manifestement peu farouche et qu’il nomma Daguet. Que fait-il donc parmi ces animaux ?

Rien, justement : il « profite de cette chance ‘‘d’être’’, plutôt que ‘‘faire’’ ou ‘‘penser’’ », loin de la civilisation et des hommes, qu’il ne goûte guère. Authentique – cela va de soi ! –, le texte narre les joies et les peines de ses « amis », une naissance vécue en direct, le quotidien à la recherche de nourriture, les liens tellement « humains » qui se tissent au fil des saisons entre Delorme et Sipointe, Étoile ou Chévi (parmi bien d’autres baptisés), sans oublier, bien sûr, les horreurs perpétrées par les chasseurs, les bûcherons… L’anthropomorphisme est omniprésent (« maman », « papa », « visage », etc.) ; certaines scènes, d’une véracité (légèrement) sujette à caution : lorsque l’auteur ‘‘enseigne’’ à l’un des chevreuils comment se protéger des chasseurs par exemple (ça vaut le détour !), ou lorsqu’autour d’un bon feu allumé par ses soins il « passe la soirée » avec eux (ne manque que l’harmonica !)… Tout cela est bien écrit – un peu trop, sans doute. Peut-on s’éclipser, pendant de si longues périodes, sans que personne ne s’en émeuve ? Dans un entretien donné sur RTL, Delorme a évoqué à son propre sujet « l’écologie profonde » : à défaut d’être plausible, ce récit serait-il d’abord, et surtout, un plaidoyer ultra militant ? Enfin, à quand L’Homme-chevreuil – mais sur grand écran ? (Nota bene : ne pas omettre d’obtenir le consentement des principaux protagonistes ; par écrit, si possible…).